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l’Académie ou de l’École, des artistes diversement considérables, — nombre d’hommes compétens enfin ont exprimé assez haut leurs regrets ou présenté des objections assez publiques pour que l’opinion n’ait plus besoin à cet égard d’informations ni de conseils. Elle a jugé la cause, nous le croyons, quels que puissent être, entre les parties intéressées, les accommodemens sur des points de détail et certaines transactions que le début ne permettait guère de pressentir. Il serait donc assez oiseux, quant au fond même des choses et quant aux conséquences de celles-ci, de signaler une fois de plus les caractères de l’organisation nouvelle; mais il ne sera pas inutile de transcrire quelques-unes des considérations que Flandrin opposait aux principes sur lesquels on s’était fondé pour provoquer la mesure, parce qu’en achevant de nous éclairer sur les doctrines mêmes du maître, cette expression si nette de ses sentimens, dans le cas particulier dont il s’agit, honore à la fois la rectitude de son jugement et la loyauté de son caractère.

A la première nouvelle des actes administratifs qui plaçaient dans des conditions nouvelles l’enseignement de la peinture, Flandrin écrivait à l’un de ses plus chers amis, membre, comme lui, de l’Académie des Beaux-Arts :


« J’insiste sur le danger d’annuler l’Académie en la divisant, sur le danger de mettre en pratique des réformes qui, pour tout moyen de rénovation, nous proposent d’étudier quoi? les procédés, les moyens matériels ! Ainsi les professeurs seront des professeurs de peinture, de sculpture, etc. Voyez le rapport: il vous dira pourquoi. Procédés de peinture, de sculpture, d’architecture, procédés, toujours procédés! On ajoute, à propos de l’enseignement de la vieille école, qu’il ne consiste, à proprement parler, qu’en un cours de dessin. Eh bien! moi, je soutiens que l’école avait au moins le mérite de nous recommander, de nous montrer du doigt ce qui est l’art, l’art tout entier. Par le dessin en effet s’expriment la vie et la beauté, la sensibilité la plus exquise, la philosophie la plus vraie. Que reste-t-il après cela? Un vêtement que je ne méprise pas, tant s’en faut, mais qui est la conséquence nécessaire du vrai dessin dans le grand art[1].

« Puis on parle d’originalité, on la préconise, comme si elle pouvait s’enseigner. On veut, dans une école, organiser la liberté de l’enseignement, comme si le pour et le contre pouvaient engendrer autre chose que

  1. L’opinion qu’exprime ici Flandrin était aussi, — pour ne citer que ces deux grands maîtres, — celle de Léonard de Vinci et de Poussin. « Les jeunes gens, écrivait Léonard au commencement de son Traité de la Peinture, les jeunes gens désireux de faire un grand progrès dans la science qui enseigne à imiter et à représenter les œuvres de la nature doivent s’appliquer principalement au dessin. » Quant à Poussin, « à mesure, dit Félibien, qu’il se perfectionnait, il s’attachait de préférence aux belles formes et à la correction du dessin qu’il a si bien connu être la principale partie de la peinture, et pour laquelle les plus grands peintres ont comme abandonné les autres aussitôt qu’ils ont compris en quoi consiste l’excellence de leur art. »