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sonnier, qui se distinguent des autres productions de ce genre par les qualités matérielles familières à ce peintre, dont l’idéal paraît être de lutter contre les flamands les plus minutieux ? Ses toiles offrent cette année un intérêt de plus, car M. Meissonier, devenu peintre de batailles, s’est essayé à reproduire des chevaux qui, pour la plupart, sont réussis d’une façon satisfaisante.

L’anecdote, j’entends l’anecdote historique, peut donner naissance à des œuvres d’art très élevées, car elle se prête admirablement à ce genre intermédiaire et fort important qui sert de transition entre la peinture familière et la peinture épique. M. Robert Fleury y a souvent réussi d’une manière très heureuse ; un de ses élèves, M. Comte, paraît vouloir marcher sur ses traces et continuer cette tradition, qui, je crois, correspond directement à l’un des besoins de l’esprit français. Les succès de M. Comte sont déjà nombreux, et sa réputation s’appuie sur des élémens qui ne sont point à dédaigner. Henri III et le duc de Guise (1855), Henri III visitant ses perroquets (1857), sont des tableaux qu’on n’a pas dû oublier ; un Alain Chartier et une Jeanne d’Arc venus après avaient pu faire douter momentanément de M. Comte. Il se relève aujourd’hui victorieusement avec une toile qui me paraît supérieure à celles qu’il a exposées jusqu’à présent : Éléonore d’Este, veuve de François de Lorraine, duc de Guise, deuxième du nom fait jurer à son fils, Henri de Guise, surnommé plus tard le Balafré, de venger son père, assassiné devant Orléans par Poltrot de Méré le 24 février 1563. Tel est le long titre de ce tableau, où M. Charles Comte semble comme à plaisir, avoir accumulé toute sorte de difficultés afin de mieux les vaincre. En effet, il a réuni les uns près des autres quatre noirs de nuance différente, et, par un tour de force de coloris que les artistes seuls pourront peut-être sérieusement apprécier, il est arrivé à une harmonie excellente qui reste blonde malgré les tons sombres dont elle est composée. De plus, un pan de voile en crêpe noir qui retombe sur un bras de fauteuil et qui laisse voir le dessin de la tapisserie tout en projetant dessus une sorte de brouillard de deuil, est exécuté d’une façon telle que Miéris l’envierait à M. Comte. La facture est extrêmement soignée, mais elle n’a ni maigreur, ni petitesse ; elle est égale au dessin, qui partout est d’une fermeté de bon aloi. C’est donc un bon tableau, et ce qui le rend plus remarquable encore, c’est la noble simplicité de la composition. Certes le sujet prêtait au théâtral ; une mère qui fait jurer à un fils de venger l’assassinat de son père, cela peut faire excuser beaucoup de grands gestes et de pompeuses attitudes. M. Comte a su éviter cet écueil avec une sage habileté ; il est resté dans une donnée vraie, familière, maternelle pour ainsi dire, et l’effet qu’il obtient n’en est que plus puissant. Dans un appartement dont les murs disparaissent