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c’est-à-dire la Russie et la Saxe en face l’une de l’autre autour du trône de Courlande.

A partir de ce moment, les intrigues diplomatiques se croisent, se confondent et forment un véritable imbroglio. Bien adroit qui pourrait en démêler tous les fils. Un des expédions les plus naturels était de laisser subsister le duché de Courlande en donnant un mari à la jeune veuve du feu duc, à la nièce du duc régnant, à Anna Ivanovna. Quel mari? Les luttes allaient recommencer de plus belle sur ce terrain. Chaque puissance avait son candidat à la main de la duchesse. Au mois de décembre 1717, un traité est conclu entre le roi de Pologne et Pierre le Grand, qui s’entendent pour marier la duchesse Anna Ivanovna au prince de Saxe-Weissenfels et faire attribuer à ce dernier la couronne ducale de Courlande. Le plan imaginé en vue de cette combinaison est indiqué de la façon la plus précise dans le traité conservé aux archives de Dresde; c’est presque une révolution, révolution d’un nouveau genre, à laquelle prendront part les acteurs les plus divers, et dont chaque incident est prévu, dont chaque phase doit arriver à son heure, comme les péripéties d’un drame. Les états de Courlande, qui ont bien des griefs contre le duc Ferdinand, iront porter leurs plaintes devant le protecteur du duché, le roi de Pologne, Frédéric-Auguste; le roi de Pologne jugera la cause, donnera raison aux états, prononcera la déchéance du duc Ferdinand, et conformément au vœu des députés, qui auront dû être gagnés d’avance à ce projet, le prince de Saxe-Weissenfels sera investi de la souveraineté en Courlande, avec droit de transmission à ses descendans. Si le plan réussit, le tsar Pierre consent à ce que le prince de Saxe-Weissenfels épouse sa nièce Anna Ivanovna. Dans le cas où il serait impossible de prononcer purement et simplement la déchéance du vieux duc, on s’efforcerait d’obtenir son abdication en lui assurant une pension viagère conforme à sa dignité. Il était expressément entendu que le mariage projeté n’aurait lieu et ne serait même annoncé, officiellement ou non, qu’après la complète réussite de cette affaire, lorsque le prince de Saxe-Weissenfels serait en possession de son duché[1].

Voilà un plan très nettement conçu, et puisqu’il satisfait à la fois la Russie, la Saxe et les états de Courlande, on ne voit pas ce qui

  1. Telle est la teneur du projet de traité qui existe aux archives de Dresde, projet incomplet, dit M. de Weber. D’après le texte plus développé qui se trouve à Saint-Pétersbourg, il est stipulé en outre que la grande-princesse Anna Ivanovna, veuve du feu duc de Courlande, abandonnera au prince de Saxe-Weissenfels non-seulement ses droits sur la Courlande, mais tous ses biens de Courlande et de Russie. Voyez le curieux ouvrage de M. Karl Wilhelm Kruse : Curland unter den Herzögen, 2 vol., Mitau, 1833, tome II, p. 279.