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crets, livrés plus tard à la critique, ne révèlent chez le souverain ou ses ministres que préoccupations nobles, activité sérieuse, souci du bien public et de la grandeur nationale!

On nous dispensera de répéter ici les dépêches des ministres saxons à Paris. Nous aimons mieux emprunter à la chronique de cette période une lettre de Maurice lui-même, trouvée à Dresde par M. de Weber, et qui nous présente un épisode intéressant au milieu des dévergondages de la régence. On sait ce qu’avait été la princesse palatine, duchesse d’Orléans, dans la société française du temps de Louis XIV. « Elle était Allemande au dernier point, » dit Saint-Simon. Simple, sensée, loyale, animée d’une horreur profonde pour tout ce qui était ruse et duplicité, en un mot femme de l’esprit le plus franc et d’une moralité sans reproche, elle avait eu cette singulière fortune d’assister aux tartuferies des dernières années du grand règne et de voir à nu, quand les voiles tombèrent, la corruption des mœurs publiques. Il y avait du Saint-Simon, et quelque chose de plus, chez cette singulière personne. Chrétienne avec principes, âpre et hautaine par un double sentiment d’aristocratie germanique et de sévérité protestante, sans nulle grâce, mais non sans finesse, l’œil ouvert sur toutes choses, humiliée souvent, souvent irritée, sarcastique jusqu’à emporter la pièce, elle était, comme le célèbre duc et pair, un témoin redoutable de son temps, sans compter que ses douleurs maternelles ajoutaient à l’amertume de ses observations quelque chose de plus intime et de plus poignant encore. Que de fois, révoltée par le spectacle de la cour sous Mme de Maintenon, elle s’enfermait des jours entiers dans ses appartemens! Là, pour soulager son âme, elle écrivait à ses amies, à ses parentes des cours d’Allemagne, à l’électrice de Hanovre, à la comtesse palatine, à son institutrice, Mme de Harling! Elle peignait les hommes, elle décrivait les mœurs, elle montrait, sous l’hypocrisie générale, l’athéisme, le libertinage, la dissolution de la société. Quand elle parlait de Mme de Maintenon, c’étaient des violences de style véritablement tudesques ; une plume française ne saurait reproduire les termes qu’elle emploie pour la désigner. Fut-elle plus plus calme après la mort du roi et le départ de Mme de Maintenon? Fut-elle plus heureuse quand elle vit le régent, son fils, avec son cœur si humain et ses qualités d’esprit si brillantes, devenir la proie du vice? A son christianisme naturel se joignit une sorte de stoïcisme singulier. Tantôt savourant l’amertume de la destinée humaine, tantôt riant du spectacle de cette destinée pour ne pas être obligée d’en pleurer, elle trouvait son refuge dans une sérénité que soutenait un continuel effort. En relisant la Bible, selon sa vieille habitude, elle y cherchait surtout ce qui pouvait affermir en elle le stoïque mépris des misères d’ici-bas. Tous ces traits sont