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de même nature, mieux réparti et plus onéreux. Or, en le faisant entrer dans le fonds consolidé et en le rendant ainsi permanent, Pitt l’avait enlevé aux discussions annuelles du parlement et avait favorisé tous les calculs qui tendaient à le conserver. Quelle mesure aurait donc dû être prise pour que le succès fût complet, c’est-à-dire pour que le land tax fut entièrement racheté, et qu’avec le prix de rachat 2, 200, 000 liv. sterl. de rente eussent été éteintes? Il aurait fallu adopter une clause qui mît les intéressés en demeure de choisir entre un sacrifice qui légitimement pouvait être réclamé d’eux et une charge nouvelle qui, tout aussi légitimement, pouvait leur être imposée. Il aurait fallu que le ministre exécutât immédiatement la pensée qu’il avait laissé entrevoir, celle de la refonte de l’impôt foncier sur de nouvelles bases avec exemption pour les propriétés affranchies jusqu’à concurrence d’un certain taux qui leur aurait constitué une prime. En procédant ainsi, Pitt aurait non-seulement usé d’un droit incontestable, mais il aurait aussi tout à la fois fait une opération de trésorerie excellente, et substitué à un impôt vicieux un autre mieux assis et plus productif. Soit qu’il craignît de mécontenter dans le parlement la majorité, composée principalement de propriétaires fonciers, soit qu’il eût dès lors en vue une autre source de revenus qu’il croyait devoir être plus abondante, Pitt recula devant cette mesure radicale.

Cependant tous les préparatifs faits sur les côtes de France avaient abouti à l’envoi, sous les ordres du général Humbert, d’un corps d’armée de 1,200 hommes en Irlande pour y appuyer l’insurrection dont cette île était le théâtre. Ce corps d’armée fut fait prisonnier et la rébellion énergiquement réprimée. Quant au général Bonaparte, doutant du succès d’une descente sur le territoire britannique, il avait conçu un autre projet qui, en cas de réussite, devait porter une sérieuse atteinte à la puissance commerciale de l’Angleterre, celui de la conquête d’Égypte. Le directoire avait donné son assentiment à ce projet, des armemens considérables avaient été faits à Toulon ; mais le secret le plus complet avait été gardé et n’avait pas encore transpiré lorsque le général Bonaparte mit à la voile, le 19 mai 1798, avec une armée de 40,000 hommes. Il s’empara de Malte en passant, y abolit le gouvernement de l’ordre, et le 1er juillet il débarquait en Égypte. L’amiral Nelson, mis à sa poursuite, l’avait en vain cherché dans la Méditerranée, et déjà il était au Caire quand la flotte anglaise parut devant Alexandrie; mais là dans la rade d’Aboukir se trouvait, sous les ordres de l’amiral Brueys, l’escadre qui avait transporté l’armée française. Nelson l’attaqua, et sur treize vaisseaux de ligne qui la composaient deux furent la proie des flammes, neuf tombèrent au pouvoir du vainqueur et deux seulement s’échappèrent. La victoire était donc com-