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par la majorité du cabinet, fit valoir ces considérations auprès du roi, et ce monarque céda en déclarant qu’au fond du cœur il déplorait la démarche qui allait être entreprise. Néanmoins le choix de lord Malmesbury comme négociateur le rassura, « car, disait-il, si l’affaire était entre les mains de Pitt seul, il commencerait par céder sur toutes choses. »

Cette fois les instructions données à lord Malmesbury furent de la nature la plus conciliante. Il était autorisé à ne pas contester à la république les limites du Rhin, ni la possession de la Savoie, ni les changemens accomplis en Italie. Il devait même offrir la restitution des colonies prises à la France, en stipulant la conservation au profit de l’Angleterre de la Trinité, du cap de Bonne-Espérance, de Cochin et de Ceylan. De son côté, le gouvernement français réclama la restitution ou la valeur des vaisseaux pris ou brûlés à Toulon, l’abandon par le roi d’Angleterre du titre de roi de France, que ses prédécesseurs avaient porté depuis Edouard III, et la renonciation par l’Angleterre à une créance qu’elle avait sur la Belgique pour prêts faits à l’empereur. Les plénipotentiaires se réunirent à Lille, et ils y étaient en délibération depuis plusieurs semaines, quand éclata à Paris le coup d’état du. 18 fructidor, qui exclut du gouvernement le parti modéré et favorable à la paix. De nouvelles instructions furent envoyées à Lille par le directoire : elles portaient que, dans le cas où le ministre anglais n’aurait pas les pouvoirs suffisans pour consentir à la renonciation de toutes les conquêtes faites par l’Angleterre depuis quatre ans, il devait être invité à quitter dans les vingt-quatre heures le territoire français. Immédiatement les conférences furent rompues, et lord Malmesbury retourna à Londres. Ainsi échouèrent, contre le vœu de Pitt et de la grande majorité du peuple anglais, des négociations qui avaient paru devoir se terminer par la conclusion d’une paix honorable pour les deux pays. Un mois après, elle était définitivement signée à Campo-Formio entre la république française et l’empereur. Sur l’Angleterre seule allait donc retomber tout le poids de la guerre, et dans le budget que Pitt soumit au parlement au mois de décembre 1797 il évalua pour l’année 1798 à 25 millions de livres sterling l’excédant des dépenses qu’elle devait occasionner. Ainsi qu’on l’a vu, le budget des années précédentes avait été soldé au moyen de ressources demandées au crédit, et le produit des nouveaux impôts avait été exclusivement affecté au service des intérêts et de l’amortissement des emprunts contractés. Cette façon de procéder avait été aussi juste que sensée. En effet l’impôt seul eût été impuissant à solder immédiatement toutes les dépenses de la guerre, et d’ailleurs la lutte que soutenait l’Angleterre ayant été entreprise pour défendre l’indépendance et la grandeur nationales, il convenait que