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mois de juin 1862, il encouragea le voyage à Copenhague de l’élite des étudians de la Suède et de la Norvège. Ils vinrent au nombre de près de huit cents dans la capitale du Danemark, où ils furent accueillis comme des hôtes dans les familles danoises. Un mois après, les deux monarques, Frédéric VII et Charles XV, avaient à Copenhague une entrevue qui était signalée par l’effusion de l’amitié la plus sincère.

Toutefois, il faut bien le remarquer, et la confiance mutuelle que se montraient les deux rois en est la meilleure preuve, le scandinavisme n’est pas, comme on est trop porté à le croire, une pensée d’adoption. Il ne prétend détruire ni l’une ni l’autre des dynasties. De même qu’en Allemagne les sectateurs les plus ardens de la grande patrie germanique ne rêvent cependant la suppression ni de la Prusse ni de l’Autriche, de même aucune atteinte ne doit être portée à l’indépendance et à l’autonomie des trois royaumes. Charles XV respectait autant que Frédéric VII le traité de Londres, qui a réglé l’ordre de succession de la monarchie danoise, et l’œuvre à laquelle travaillaient alors les deux rois aussi bien que leurs peuples, ce n’était pas l’annexion des territoires, c’était la fusion des sympathies et des idées.

La nation suédoise, qui jadis a joué dans le monde un rôle si éclatant, ne déborde plus comme autrefois sur la Russie ou sur l’Allemagne; mais elle conserve toutes les qualités d’un grand peuple. En lutte perpétuelle contre l’âpreté de son climat, elle n’a rien perdu de son antique énergie. C’est là que sont situées les villes les plus septentrionales de la terre; jamais, ni en Europe, ni en Asie, ni en Amérique, on ne vit sous la même latitude une pareille civilisation. La péninsule formée par la Suède et par la Norvège est, après la Russie, la contrée la plus vaste de l’Europe. Il est vrai que, si l’on veut en classer les différens états par le nombre de leurs habitans, la presqu’île scandinave, qui ne compte pas cinq millions d’âmes, occupe seulement la neuvième place; mais elle est, après la Grèce et la Prusse, le pays où l’accroissement de la population s’effectue dans la proportion la plus considérable. Nulle part l’instruction n’est plus répandue dans le peuple, nulle part le sentiment de l’honneur militaire n’est plus vif. Si la Suède n’est pas un instrument d’attaque, c’est une citadelle créée par la nature et défendue par des cœurs inébranlables. Elle peut s’appliquer à elle-même ces paroles d’un des poèmes du roi : « Tranquille, mon temple domine toutes les révolutions du temps, car la force des hommes du Nord ne se laisse pas facilement dompter. Là, le roc est dur et la forêt profonde; la nuit est longue, mais le jour est serein. Le Nord aimera éternellement le fort et le brave, celui qui loyalement sait combattre, celui qui loyalement sait mourir. »


I. DE SAINT-AMAND.


V. DE MARS.