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origines, tantôt à l’avenir de la question d’Orient. M. Cobden montre l’Europe se disputant sur le cadavre de la Turquie (quarrelling over the carcass of Turkey) ; il adjure la France et l’Angleterre de s’unir pour empêcher une telle catastrophe. Que les puissances répudient, chacune pour son compte, toute idée de conquête ou d’agrandissement territorial en Orient, qu’elles reconnaissent du même coup le droit des nationalités et proclament le principe de non-intervention en Turquie comme elles ont fait en Italie, puis qu’elles se retirent de la lice et laissent la Porte et ses sujets grecs, slaves, roumains, vider entre eux leur querelle, en se contentant de surveiller la lutte dans un intérêt d’ordre européen, il arrivera de deux choses l’une : ou les Osmanlis, conservant une plus forte dose de vitalité qu’on ne croit, auront raison de leurs raïas, et alors la question d’Orient sera résolue à leur avantage, ou bien au contraire les raïas l’emporteront, et la solution sera toute différente. Mais que les Turcs restent en Europe ou qu’ils soient, un jour ou l’autre, rejetés au-delà du Bosphore, on ne saurait nier qu’un grand intérêt ne s’attache à ces nationalités militantes de l’Orient qui, dépossédées au XVe siècle par les Turcs, demandent aujourd’hui à être réintégrées dans leurs droits de propriétaires. Ces populations, si variées d’origine, de type et de dialecte, peuvent néanmoins être ramenées à quatre groupes ethnographiques principaux : le groupe serbe, le groupe bulgare, le groupe hellénique, le groupe roumain ou moldo-valaque. Il y a également diversité dans leur condition politique : la Bulgarie est une simple province de l’empire ottoman ; la Grèce, vers laquelle gravitent les populations helléniques de la péninsule, la Moldo-Valachie, la Serbie, sont des états indépendans ou à demi indépendans ; la crise a commencé pour les Grecs et pour les Roumains ; seules, la principauté de Serbie et les contrées serbes environnantes jouissent encore d’un calme relatif, qui permet de les observer plus à l’aise et de chercher quel rôle elles pourraient remplir dans la future reconstitution de l’Orient.


I.

L’histoire moderne de la Serbie s’ouvre en 1804 avec la prise d’armes de Kara-George, dix-huit ans avant la guerre de l’indépendance hellénique. Comme ils avaient précédé les Grecs dans la servitude, les Serbes les devancèrent dans la liberté. C’est le 29 mai 1453 que Constantinople tomba au pouvoir des Ottomans ; la sanglante bataille de Kossovo, qui prépara l’asservissement de la Serbie, avait été livrée le 25 juin 1389. L’histoire de ces quatre siècles est remplie de ténèbres, ou plutôt ils n’ont pas d’histoire. Notre moyen âge, si lamentable, si confus, n’offre rien de tel. Muettes sur