Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

succès de son administration, et en le proclamant dans ce beau langage il provoqua même les applaudissemens de ses adversaires. Fox et Sheridan furent les premiers à rendre un éclatant hommage aux principes de gouvernement et d’économie politique qu’il venait d’exposer en termes si éloquens. Suivant Fox, le premier ministre avait énuméré avec autant de vérité que de splendeur les causes de la prospérité nationale, et s’il ne le suivait pas sur le même terrain, c’est qu’il ne pourrait que répéter ce qui avait été dit, et n’espérait pas le si bien faire. Il se borna donc à critiquer ses propositions comme prématurées, et il eût trouvé plus sage de ne les soumettre au parlement que lorsqu’une expérience plus longue aurait démontré que l’excédant acquis cette année était bien définitif. Toutefois il déclara ne pas s’opposer au rappel de taxes qu’il avait combattues lors de leur établissement.

Dans une conversation financière qui précéda le vote du budget, Sheridan exprima l’avis que l’excédant disponible des recettes devrait être plutôt employé à la réduction de la dette à terme qu’à celle de la dette fondée. Pitt répondit qu’il lui semblait préférable de racheter cette dernière, parce que, les circonstances devant permettre de diminuer prochainement l’intérêt du à pour 100, le fonds d’amortissement profiterait de la différence, et que, toutes ses ressources étant portées sur le 4, on arriverait ainsi plus vite à les appliquer au 5 pour 100, dont le rachat ne pouvait commencer que lorsque la dette antérieure aurait été diminuée de 25 millions de liv. Fox approuva Pitt de songer à réduire l’intérêt du li pour 100, et se déclara disposé à soutenir une mesure tout à la fois opportune et politique, dont le pays devait retirer un profit annuel de 260,000 livres.

Pitt avait eu d’abord le projet de proposer au parlement, dans la session de 1792, de réduire à 3 1/2 l’intérêt du 4 ; mais il crut préférable d’ajourner cette proposition à l’année suivante, dans l’espoir que la réduction à 3 pour 100 serait alors chose possible. Ce retard fut une erreur regrettable qui priva l’état d’une économie annuelle de 170,000 livres sterling, précieuse dans la période où allait entrer l’Angleterre : tant il est vrai que dans le gouvernement des affaires publiques, comme dans l’administration des intérêts privés, il faut saisir le bien quand il se présente, sans attendre le mieux. L’année suivante, la guerre éclata, et ce fut trente ans après seulement qu’il fut possible de réduire l’intérêt du 5 et du 4.

Il est curieux de constater cette croyance sincère de Pitt à une longue durée de la paix, quelque graves que fussent les événemens qui se passaient alors en France. Déjà dans plusieurs discours et dans divers écrits, Burke avait signalé les dangers de la propagande révolutionnaire et convié les souverains de l’Europe à la réprimer dans