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service de la marine royale. Il fut défendu d’en construire de la dimension et du tonnage de ceux qui servaient habituellement à ce trafic, et les vaisseaux armés ne purent plus s’éloigner au-delà d’une certaine distance sans une permission de l’amirauté. Enfin toute attaque contre un bâtiment de l’état affecté au service de la douane ou de l’excise, ou contre tous officiers de la marine royale ou employés du trésor, et toutes personnes qui les assisteraient dans l’exercice de leurs fonctions, dut être punie comme un crime capital.

Mais de simples mesures répressives auraient été impuissantes à détruire le mal; il fallait encore l’attaquer par les tarifs, car il n’était pas douteux qu’aussi longtemps que les droits perçus sur les marchandises principaux objets de la contrebande resteraient au taux élevé où ils étaient, les fraudeurs feraient d’assez grands profits pour se résoudre à braver toutes les mauvaises chances qu’on leur opposait. Il importait donc de réduire les droits de telle façon que la contrebande n’offrît plus aucun bénéfice. C’étaient surtout les esprits et le thé qui en étaient l’objet. D’après les évaluations les plus approximatives, la consommation de cette dernière denrée s’élevait en Angleterre à 13 millions de livres sterling; 5 millions au plus étaient vendus par la compagnie des Indes, de telle sorte que 8 millions entraient en fraude. Des maisons de commerce s’étaient organisées sur le continent pour en fournir au fur et à mesure des besoins de la contrebande, et on supposait qu’il y avait à cette époque 5 millions de livres de thé à Hambourg, 3 millions à Ostende, et des quantités considérables dans d’autres lieux, destinées à être introduites frauduleusement en Angleterre. Les droits perçus sur ces articles étaient à la fois de douane et d’excise; ils étaient de 50 pour 100 sur la valeur, plus de 2 shillings 5 pence par chaque livre, et produisaient annuellement 700,000 livres sterling. Pitt proposa de les supprimer et de les remplacer par un droit de 12 1/2 pour 100 de la valeur, qui permettrait au négociant honnête de vendre cette denrée, introduite régulièrement, au prix le plus bas auquel pût la livrer le contrebandier. Ce droit, en ne tenant pas compte de l’accroissement, probable cependant, de la consommation, ne devait produire que 170,000 livres, et il y aurait eu dès lors une diminution de revenu de plus de 500,000 livres, dont la situation financière ne permettait pas de faire le sacrifice. Pour la compenser, le ministre proposa d’augmenter la taxe sur les fenêtres, et d’en exempter toutes les maisons non soumises à la taxe des pauvres et de l’église, de telle sorte que les personnes, pour la plupart indigentes, qui les habitaient devaient profiter de la réduction de droits sur le thé sans être obligées de rien payer à la place. Pitt évaluait à