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culier à la Corse, et serait, au dire de nos naturalistes, la souche-mère du mouton domestique. Cette hypothèse toutefois me paraît très discutable; on ne peut guère admettre en effet que le mouton, qui était connu en Asie dès les temps les plus reculés, puisse descendre d’un animal qui n’existe plus aujourd’hui qu’en Corse et dans quelques îles voisines. Le moufflon d’ailleurs est extrêmement sauvage, et il est peu probable que nos ancêtres aient réussi à l’apprivoiser, alors que toutes les tentatives faites de nos jours ont absolument échoué. Il est à peu près de la taille de nos chevreuils; il a le pelage fauve mêlé de poils noirs et deux cornes grosses, ridées et courbées en arrière, qui garantissent la tête lorsqu’il se précipite du haut des rochers. Les mouillons vivent sur les sommets les plus élevés et se laissent très difficilement approcher. C’est pendant l’hiver seulement que, chassés par la neige, ils se décident à descendre dans les vallées et à chercher leur nourriture dans des lieux moins inaccessibles que ceux où ils se tiennent d’habitude, et c’est le moment qu’on choisit pour les tuer en se plaçant à l’affût sur leur passage. Les sangliers sont assez abondans; grâce aux maquis où ils s’abritent, ils s’approchent souvent des villages et s’accouplent fréquemment avec les animaux de leur espèce qui vaguent aux environs.

Le gibier à plumes est représenté par la caille, la perdrix et le merle. Ce dernier, qu’on considère généralement comme inférieur à la grive, se nourrit en Corse de baies de myrte, et acquiert par là une chair succulente qui donne un démenti au dicton populaire. Outre le sanglier et le renard, l’île ne renferme d’autres animaux nuisibles que le scorpion et une araignée connue sous le nom de malmignate. La piqûre du premier est peu dangereuse, mais celle de la malmignate entraîne la mort quand on ne parvient pas à rétablir promptement la circulation du sang, interrompue par l’action du venin.

Des diverses essences qui composent les forêts de la Corse, la plus précieuse est sans contredit le pin laricio. Particulier à cette île, il a été considéré parfois comme une variété du pin sylvestre, dont il rappelle l’aspect général, et sur lequel il est susceptible d’être greffé; mais tous les botanistes s’accordent aujourd’hui à voir en lui une espèce bien caractérisée. Il a une croissance rapide et un tempérament robuste. Il se plaît de préférence aux expositions du nord et de l’est et à l’altitude de 1,000 ou 1,200 mètres. Ses belles dimensions, la régularité de sa tige, la finesse et l’homogénéité de son grain, ont de tout temps attiré sur lui l’attention de la marine, qui à diverses époques, notamment de 1812 à 1822, l’a employé dans ses constructions. Tous les ingénieurs qui ont été