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peut rendre que peu de services. Le plus souvent d’ailleurs c’est près du littoral que les vaisseaux se perdent, au milieu des écueils qui en défendent les contours. On a recours dans ce dernier cas à ce qu’on appelle les cordes de sauvetage. Ces cordes sont lancées soit par un mortier, soit par une roquette. Le mortier est placé sur le rivage et chargé d’une bombe qu’on dirige sur les agrès du vaisseau donnant des signaux de détresse[1]. Une corde fine, que les marins anglais appellent ligne, line, est placée en forme de spirale à la bouche du mortier, et suit, en se déroulant, le vol de la bombe comme un fil attaché à la patte d’un oiseau. Si c’est au contraire une roquette qui se trouve lancée, l’effet est absolument le même, et cette dernière peut atteindre à une distance de 300 mètres. L’équipage du vaisseau en danger se saisit de cette ligne engagée dans les agrès et y attache par le bout une corde plus grosse, rope, qui est ensuite tirée à terre par les hommes chargés de fournir assistance. De cette manière une communication s’établit entre le navire et le rivage. Cette corde ainsi tendue dans une position inclinée forme une sorte de pont sur l’abîme. On y suspend alors, au moyen d’une poulie ou d’un nœud coulant, une corbeille dans laquelle se placent successivement les naufragés, généralement trois par trois, et qui est ainsi conduite vers la terre par un mouvement naturel de gravitation et par les manœuvres de l’équipage ou des hommes groupés sur la côte. Un témoin oculaire de ce mode ingénieux de sauvetage me racontait un jour ses émotions à la vue d’une mère et de deux enfans lancés ainsi dans une corbeille à travers une tempête horrible. Comme une tourterelle effarée rassemblant sa couvée sous ses ailes, la malheureuse femme couvrait ses enfans avec les bras et les serrait contre son cœur : on eût dit qu’elle voulait les disputer aux vagues brutales et féroces qui se soulevaient avec des rugissemens de monstres sauvages autour de ce nid fragile. Trois cent vingt-neuf personnes ont été sauvées l’année dernière (1863) dans toute la Grande-Bretagne par les appareils des roquettes, rocket-apparatus.

Les stations de life-boat sont généralement administrées et soutenues par des comités locaux ; mais la plupart de ces comités se trouvent placés sous le contrôle et le patronage de l’institution nationale des canots de sauvetage. National life-boat Institution, dont le siège est à Londres. Ailleurs on s’attendrait à trouver un tel service d’utilité publique organisé par la main de l’état. En Angle-

  1. Un vaisseau menacé a trois manières d’appeler au secours. Ces trois signaux consistent à renverser le pavillon la tête en bas, à tirer le canon ou à brûler une tonne de résine. Les deux derniers moyens sont naturellement employés de préférence quand. le vaisseau est loin des côtes, ou quand la mer se trouve chargée de ténèbres.