Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

convulsions de la mer. Malgré tous ces obstacles, le life-boat retrouva vers les côtes le bateau à vapeur, et, ainsi remorqué, il rentra, tout joyeux de sa victoire, dans le port de Ramsgate.

Depuis le sauvetage du Samaritano, d’autres services éclatans ont encore fortifié la confiance que les marins de Ramsgate placent dans le canot inventé par M. Beeching[1]. Le système d’après lequel il est construit n’est pourtant point tout à fait celui qui a prévalu sur les côtes de l’Angleterre. Le comité chargea un de ses membres, M. Peake, constructeur de vaisseaux, master shipwright, au dockyard de Devonport, de fournir un dessin de life-boat combinant les diverses qualités des meilleurs modèles qui avaient été envoyés à Somerset-House. Un canot de sauvetage fut entrepris d’après ce dessin dans le dockyard de Woolwich sous la direction des lords de l’amirauté. Après avoir subi diverses épreuves et avoir été plusieurs fois modifié, ce canot fut enfin présenté au duc de Northumberland, qui en fit construire à ses frais trois autres tout pareils. Le bateau de sauvetage, proposé par Beeching et perfectionné par Peake, devint ainsi le prototype de presque tous les life-boats qui luttent maintenant sur les côtes orageuses de la Grande-Bretagne pour porter secours aux naufragés.

Cette histoire de l’invention me mit à même de mieux comprendre le bateau que j’avais sous les yeux à Exmouth. Il suffira d’indiquer ici les principaux traits qui distinguent un canot de sauvetage d’un canot ordinaire. Ce que les Anglais demandent à un life-boat est d’être insubmersible. La première condition pour atteindre ce but est que le bateau soit infiniment plus léger que le volume d’eau qu’il déplace. Nos voisins désignent sous le nom de buoyancy la propriété de flotter qu’ont certains corps plongés dans un liquide. Cette faculté est plus ou moins commune à toutes les formes d’embarcations; mais les canots de sauvetage la possèdent à un degré extraordinaire, c’est ce qu’on appelle extra-buoyancy. Pourquoi et comment en est-il ainsi? Le don de surnager envers et contre tout s’obtient en fixant dans l’intérieur du plat-bord un certain nombre de boîtes ou de chambres à air. La conséquence de ce mécanisme est que quand même le canot de sauvetage viendrait à s’emplir d’eau, il n’en continuerait pas moins de défier par son agilité le poids des vagues. La compression de l’air dans des compartimens dont quelques-uns s’étendent le long des flancs et jusque vers les deux extrémités du bateau, tel est donc le caractère essentiel sans lequel il n’y a point de life-boat. La seconde propriété de ces ca-

  1. Durant les terribles tempi>tes d’octobre et de novembre 1863, ce même bateau sauva environ cent vingt personnes.