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patible avec celle de maire, ce qui a pour effet d’exclure à peu près quiconque sait lire et écrire, car il y a dans ces campagnes bien peu d’hommes ayant quelques connaissances qui n’exercent une fonction à un titre quelconque. Supposons enfin qu’un propriétaire foncier, voulant être maire, trouve le moyen d’échapper à toutes ces exclusions, l’ukase l’atteint encore dans ce dernier retranchement; s’il est élu par l’assemblée de la gmina, le chef du district a le droit d’annuler l’élection et d’en ordonner une nouvelle. Si pour la seconde fois l’élection donne le même résultat, le chef du district peut en appeler au gouverneur de la province, qui a encore le droit d’annulation, et en s’y reprenant ainsi à plusieurs reprises on ne manquera certainement pas de moyens pour persuader aux paysans de faire un choix plus agréable à l’autorité. Ainsi l’homme éclairé, l’ancien. propriétaire, est impitoyablement traqué, d’article en article, d’un bout à l’autre de l’ukase, partout humilié devant le paysan et mis à sa merci.

Les fonctions de maire étaient gratuites, elles deviennent salariées; les appointemens de tous les fonctionnaires municipaux doivent être fixés par le comité central chargé de l’organisation rurale. Le pouvoir de ces nouveaux maires s’étend, sans restriction de personnes, sur tous les habitans demeurant dans les limites de la gmina et domiciliés soit dans les villages, soit dans les fermes et châteaux des propriétaires. Au nombre de leurs devoirs se trouve celui d’arrêter la propagation des bruits malveillans. Ils doivent faire connaître immédiatement à l’autorité les personnes qui s’absentent de la commune. Ils ont le droit de condamner à deux jours de prison et à 1 rouble d’amende pour contravention de police. Ils peuvent citer devant eux toute personne demeurant dans la gmina et faire avec leurs adjoints des visites domiciliaires dans toutes les maisons. Si pour une cause ou pour une autre l’assemblée générale ne vote pas à temps la répartition des impôts communaux, ils ont le droit de la faire eux-mêmes et de la mettre à exécution. Le tribunal de la gmina a des attributions non moins exorbitantes. Il est composé du maire, président, et de deux assesseurs, élus par l’assemblée générale. Au civil, il juge sans appel jusqu’à concurrence de 120 francs (30 roubles), et en cas de dissentiment sur la valeur du litige il la fixe lui-même, après avoir consulté, s’il le juge nécessaire, des experts pris parmi les paysans. Pour les délits, il peut condamner à cinq jours de prison et à 12 francs d’amende, sans appel. On comprend à qui s’adresse cette menace de la prison au moindre soupçon.

Ces fonctionnaires communaux investis de pouvoirs si étendus sont soumis eux-mêmes à l’arbitraire des chefs de districts, des gou-