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plus tard elle expédiait dans la Nouvelle-Zélande cinq bâtimens chargés d’émigrans qui, à leur arrivée, trouvèrent des abris et des approvisionnemens préparés. Le gouvernement anglais, frappé des avantages qu’offrait une pareille association, lui concéda, le 4 décembre 1840, un privilège de quarante années; il lui remboursait ses premiers frais d’installation. En moins de trois ans, la compagnie avait fondé neuf établissemens, qui sont aujourd’hui de grands centres de population jouissant de l’activité, du luxe, de l’industrie, du commerce des villes les plus importantes et les plus riches de l’Europe. L’immigration, stimulée par cette société, se précipita à flots pressés vers la Nouvelle-Zélande. Exempte du fardeau de la déportation, disposant d’un grand capital, appliquant les meilleures méthodes de colonisation, la compagnie de Londres a fait, comme par enchantement, de cet archipel de l’Océanie le pendant de la Nouvelle-Galles du sud, et ces deux colonies sont aujourd’hui les deux plus riches fleurons de la couronne coloniale de la Grande-Bretagne.

C’est par le même système, poussé jusqu’à ses conséquences les plus absolues, que les Hollandais, dans les quarante dernières années, ont porté à un si haut degré la fortune de leurs possessions des Indes orientales. Ils ont donné à la société appelée Maatschappy, constituée en 1819 au capital de 97,000,000 de florins, non-seulement un privilège, mais un monopole qui lui réserve l’achat de tous les produits des terrains concédés. Le roi Frédéric-Guillaume, pour encourager les capitalistes à concourir à la formation de cette compagnie, souscrivit pour 20,000,000 de florins et garantit à ses associés un intérêt de 4 1/12 pour 100[1]. Nous écartons de ce dernier exemple le monopole, qui nous paraît plutôt un vice qu’un perfectionnement du système; mais tout le monde connaît les brillans résultats obtenus par la société des Pays-Bas : ils ont largement répondu à l’ambition de son royal fondateur, et la Hollande, déchue de son importance continentale, doit à sa politique coloniale d’être encore placée au premier rang des nations maritimes.

Ces enseignemens doivent nous profiter. La société financière que la France pourrait former sur ces modèles serait chargée particulièrement de développer le travail agricole. Elle ferait des avances de fonds aux Annamites pour couvrir leurs frais de culture; elle appellerait de nouveaux travailleurs pour défoncer les espaces immenses encore en friche et leur fournirait les moyens de les mettre en rapport; elle établirait des usines centrales pour la fabrication du sucre, des moulins pour extraire l’huile des sésames, des appareils pour la décortication du riz. Au moyen de ces établissemens

  1. Pendant deux ans, le roi fut obligé de payer cet intérêt.