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exerce plus ou moins rigoureusement. Le roi du Cambodge reçoit l’investiture des mains du roi d’Annam et lui paie un tribut annuel.

Le royaume de Siam, limitrophe du Cambodge, a sur lui les mêmes prétentions, quoique son intervention ait été souvent repoussée par ses habitans. Depuis notre apparition en Cochinchine, la guerre des Annamites contre nous et plus tard les embarras de notre prise de possession ont paru de favorables circonstances aux Siamois, et ils en ont habilement profité pour annexer à leur territoire plusieurs provinces du Cambodge et s’arroger le droit de désigner seuls le souverain de ce pays. Le prince qui règne à Bang-kok n’a pas réussi, comme le roi Tu-duc, à faire reconnaître sa suzeraineté sur le Cambodge; mais il l’exerce en réalité et avec d’autant plus de vigilance qu’elle est pour lui le seul moyen de conserver les parties de ce royaume qu’il a réunies à ses états. Il entretient des agens auprès de son vassal le roi du Cambodge, qui ne fait aucun acte de souveraineté sans leur consentement.

Nous pourrions rester indifférens aux menées du gouvernement de Siam, car, livré à lui-même, il ne serait guère redoutable; mais c’est de Bang-kok que l’Angleterre surveille d’un œil jaloux les progrès de notre établissement en Cochinchine. Il n’a pas échappé à sa clairvoyance que, dans la presqu’île de l’Indo-Chine, la prépondérance appartiendrait à la nation qui commanderait les embouchures de l’un des plus admirables fleuves de l’Asie et le bassin de production le plus riche du monde. L’Angleterre s’est donc emparée du prince qui gouverne le royaume de Siam, prince de race indienne, de cette race faible qu’elle a l’habitude de manier, et elle en a fait l’instrument de son antagonisme contre nous. Aujourd’hui elle se contente de nous l’opposer pour combattre notre influence; mais dans l’avenir, si une guerre venait à éclater entre elle et nous, cette puissance ne pourrait-elle pas réunir dans le Haut-Cambodge des moyens d’attaque contre nos provinces de Mitho et de Gia-dinh ? Deux démarches du gouvernement siamois nous firent bientôt un devoir d’examiner de plus près cette situation. Le représentant du roi de Siam à Houdon[1] écrivit en octobre 1862 à l’amiral Bonard pour lui demander quand il rendrait les bouches du Bassac, dans la Basse-Cochinchine, aux Cambodgiens, n’osant pas les revendiquer directement au nom de son souverain. Plus tard, le ministre des affaires étrangères de la cour de Bang-kok manifesta à l’amiral La Grandière, qui avait succédé à l’amiral Bonard, l’intention d’expédier de temps en temps à Saigon quelques officiers siamois, et comme son gouvernement ne possédait qu’un petit nombre

  1. Capitale du Cambodge.