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n’ont aucune responsabilité et sont de simples conseillers. Le troisième reçoit son investiture du roi, et remplit des fonctions analogues à celles d’un maire : il fait exécuter les ordres des mandarins, s’occupe de la rentrée de l’impôt, concourt au recrutement de l’armée et répond de la tranquillité publique. Les Annamites ont un cadastre. Il existe dans chaque commune un registre qui contient la division de son territoire, le nom des propriétaires, avec la désignation et l’espèce de terres qu’ils possèdent. Dans cette nomenclature, on classe d’une façon distincte les champs de riz, les jardins, les terrains bâtis ou d’agrément, ceux qui sont incultes ou destinés à un usage public, tels que les cimetières et les pagodes.

Les habitans de la Cochinchine sont particulièrement adonnés à l’agriculture. Le gouvernement les excite d’ailleurs au travail, et des inspecteurs veillent à ce que les champs ne soient pas laissés en jachère. Peu de soins suffisent pour obtenir d’abondantes récoltes. La plus importante est celle du riz. La Basse-Cochinchine en produit une telle quantité qu’elle est considérée comme le grenier du royaume. Les rizières sont favorisées par l’humidité qu’entretiennent les arroyos et les rivières qui coupent le pays en tout sens. Ces terres baignées par les eaux n’ont pas besoin d’être labourées, et rapportent 300 pour 1. Le commerce extérieur ayant été limité jusqu’à ce jour aux opérations de quelques marchands chinois, la production du sol n’a pas pris tout le développement dont elle est susceptible. De grands espaces encore incultes n’attendent que le travail de l’homme pour donner d’immenses richesses. Cette fertile contrée produit aussi la canne à sucre, les arachides, les épices, le tabac, l’indigo, la soie. Le tabac qu’on y récolte est semblable à celui de Manille. La guerre a fait abandonner la culture du mûrier; mais dans ce sol privilégié cet arbre se couvre si rapidement de ses feuilles qu’il fournit plusieurs récoltes successives. Dans les trois provinces que nous occupons, de nombreuses magnaneries témoignaient avant la guerre de l’importance qu’attachaient les Annamites à l’industrie séricicole. Toute maison de la moyenne classe ou de la classe riche possédait des métiers; le tissage de la soie était la principale occupation des femmes. Le tisserand de soie était très en faveur et jouissait de certains privilèges. Les ouvriers étaient organisés en corporations sous la direction de chefs habiles qui, par ordre du gouvernement, avaient passé quelques années à Hué à se perfectionner dans leur état. Le coton que produit la Basse-Cochinchine est de l’espèce dite à courte soie. Il est doux et soyeux, fin au toucher, et soutient la comparaison avec celui de la Louisiane. En 1860, même en pleine guerre, il s’en est fait plusieurs expéditions pour des marchés lointains. Le pays abonde aussi en essences forestières pré-