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Grande-Bretagne se décida, il est vrai, à nommer une commission de santé, afin de sauver les restes de son armée, qui menaçait de se fondre tout entière ; mais cette commission dut se borner à réorganiser l’intendance militaire et à recommander l’application de mesures hygiéniques. L’œuvre européenne qui ressemble le plus à celle des patriotes américains est cette belle société internationale d’hospitaliers fondée à Genève par M. Henry Dunant. A certains égards, l’entreprise inaugurée par cet homme de cœur est peut-être plus grande et plus humaine que celle de la commission sanitaire d’Amérique, car elle s’élève au-dessus des considérations étroites d’un patriotisme local, et fait flotter le drapeau de la charité universelle au-dessus des armées qui s’entr’égorgent; mais, par l’étendue même du plan qu’elle se propose, la société internationale de secours n’est-elle pas d’avance condamnée à être méconnue? Les encouragemens officiels, les adhésions plus ou moins vagues de divers souverains ne lui ont pas manqué; malheureusement l’enthousiasme populaire ne lui a pas encore donné son tout-puissant concours.

Pour accomplir son œuvre immense, la commission sanitaire d’Amérique a besoin de ressources très considérables. Ces ressources, le patriotisme de la nation les lui procure. Depuis la fondation de la société jusqu’au 1er ’octobre 1863, la valeur des objets de toute espèce confectionnés ou achetés par les comités des dames et envoyés à l’armée par l’entremise des agens sanitaires a dépassé 38 millions de francs. Pendant le même espace de temps, les dons en argent se sont élevés à la somme de 5 millions, offerte pour les deux tiers par des Californiens, qui ne peuvent, à cause de la distance, expédier les mille articles de vêtement et d’alimentation nécessaires dans les homes et les hôpitaux. Ainsi les recettes de la commission sanitaire ont atteint le total de 43 millions pendant une période de vingt-sept mois ; actuellement le chiffre de 50 millions est de beaucoup dépassé. Pour fixer dans son entier le budget de la société, il faudrait en outre évaluer les services gratuits des nombreuses compagnies de commerce et de transport. La plupart des administrations de chemins de fer se chargent d’expédier sans frais jusque dans les villes d’entrepôt les articles de messagerie estampillés par les agens sanitaires[1] ; les diverses agences de télégraphes accordent à la commission le libre usage de leur réseau ; les entreprises d’assurance garantissent ses hôpitaux et ses autres édifices contre les risques du feu; les éditeurs font imprimer pour

  1. Les frais occasionnés par le transport gratuit des articles de la commission se sont élevés pour deux compagnies seulement à plus d’un million de francs.