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née 1863, les divers homes n’ont pas distribué moins de 1,200,000 rations. Ce n’est pas tout : les directeurs et les autres employés de ces hôtels de l’armée se chargent également de défendre les intérêts matériels des volontaires. Ils tâchent d’écarter les filous de toute espèce qui suivent comme une proie le soldat sans expérience et flairent dans sa poche l’argent qu’il vient de recevoir ; ils avancent à l’invalide la somme nécessaire pour son voyage ; ils s’instituent les représentans de leurs hôtes auprès du gouvernement pour faire rectifier les états de service défectueux et réclamer l’arriéré de paie ; parfois même ils demandent une enquête à l’autorité militaire sur des peines infligées aux soldats et font réhabiliter ceux qui ont été punis injustement ; enfin ils s’entendent avec les diverses compagnies de chemins de fer pour que les soldats revenant de l’armée soient transportés à prix réduit ou même gratuitement. Il est vrai qu’afin d’éviter les graves abus qui pourraient facilement se produire dans les homes par le mouvement incessant de cette vaste population flottante, la commission sanitaire exerce une surveillance des plus rigoureuses et signale immédiatement aux autorités tous les déserteurs et les traînards qui demandent l’hospitalité dans l’espoir d’être pris pour de loyaux volontaires. Cette obligation que la commission s’est imposée lui est singulièrement facilitée par le soin qu’elle prend de tenir un registre exact des lieux de résidence ou de campement de tous les soldats des États-Unis. Grâce à ce registre, qui exige beaucoup de travail et de grandes dépenses, les agens sanitaires sont mieux renseignés que le gouvernement lui-même : c’est à eux que les parens privés d’informations directes s’adressent d’ordinaire pour avoir des nouvelles de leurs enfans.

On voit que la commission sanitaire est une institution essentiellement américaine. Il est hors de doute que les chefs des diverses armées d’Europe ne toléreraient à aucun prix la formation d’une société libre d’hospitaliers se donnant pour mission non-seulement de soigner les soldats malades et blessés, mais aussi d’opérer le recensement des militaires, de poursuivre les déserteurs, de signer les feuilles de route, de rechercher la cause des punitions infligées, de défendre les intérêts des volontaires contre certains spéculateurs et au besoin contre le gouvernement lui-même. En Angleterre non moins que sur le continent d’Europe, toute association d’individus qui émettrait de pareilles prétentions serait certainement accusée de folie ou de crime, tant il est vrai que les mœurs américaines ont pour raison d’être principale la jouissance presque séculaire d’institutions libres, et non l’origine anglo-saxonne des citoyens. Après ce terrible hiver de Crimée, durant lequel les forces anglaises perdirent près de la moitié de leur effectif, le gouvernement de la