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envoyés par les dames de New-York et ceux qui s’étaient adjoints à la députation vinrent proposer au gouvernement de l’aider dans sa pénible tâche. Le président Lincoln ne vit tout d’abord dans l’offre de ces hommes de cœur que le vain témoignage d’une philanthropie surexcitée par les prédications des pasteurs et les excitations de femmes sensibles ; il pensa que l’œuvre proposée ne présentait absolument rien de pratique, et n’aurait d’autre résultat que d’introduire un nouvel élément de désordre dans une situation déjà si compliquée. Se laissant dominer par les préjugés du pouvoir, le premier magistrat de la république américaine fit ce que tout autre chef de gouvernement eût sans aucun doute fait à sa place : il manqua de confiance dans le patriotisme du peuple. Toutefois il dut céder aux vœux de l’opinion. Par un décret daté du 13 juin 1861, il autorisa la commission sanitaire des États-Unis à commencer ses travaux ; mais, dans le décret même il eut soin de prévoir ironiquement le cas où l’association, pénétrée de son impuissance, se dissoudrait d’elle-même, et pour toute faveur il lui offrit l’usage d’un appartement dans l’un des nombreux édifices publics de Washington. Les autorités militaires donnèrent aussi leur assentiment d’assez mauvaise grâce, et ne cachèrent pas aux membres de la commission que, dans l’intérêt même de l’armée, elles souhaitaient à l’intervention des inspecteurs civils l’insuccès le plus complet.

Les soupçons jaloux dont ils étaient l’objet de la part des officiers-généraux et de la plupart des médecins de l’armée n’effrayèrent pas les réformateurs. Ils se mirent immédiatement à l’œuvre sans se laisser arrêter par aucune expression de mauvais vouloir, et si la rancune des gens officiels les poursuivit longtemps, du moins surent-ils bientôt gagner la confiance des troupes par la sincérité de leur patriotisme et le désintéressement de leurs efforts. Peu à peu la commission devint tout à fait indispensable à l’armée, et dès la fin de 1861 elle pouvait s’adresser au secrétaire de la guerre dans les termes suivans : « Nous sommes fermement et simplement résolus à procurer aux hommes qui combattent pour la patrie les soins qui sont leur droit, et que la nation a la volonté et le devoir de leur assurer. Que le gouvernement s’en mêle ou qu’il s’abstienne, nous leur donnerons ces soins envers ou contre tous (let who will stand in the way). » Du reste les agens de la commission s’interdirent tout empiétement sur les droits de l’autorité militaire, et se bornèrent tout d’abord « à instituer des recherches et à donner des avis. » Les inspecteurs médicaux envoyés à la suite de toutes les armées reçurent la recommandation expresse de ne léser en aucune manière la discipline, et de la considérer même comme la première de toutes les conditions sanitaires dans la vie des camps ; il leur fut