Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rore au roi de Suède; j’en doute un peu maintenant que nous possédons, grâce à M. de Weber, tant de pages authentiques où brille l’ingénieux esprit de la comtesse, mais non pas son respect de la grammaire française et de l’orthographe. Voltaire la jugeait sur une jolie bagatelle qui s’était corrigée sans doute en passant de main en main. Ce qui est incontestable au moins et ce qui est bien à elle, c’est le dévouement dont elle fit preuve en ces heures difficiles, assistant le roi de ses conseils, essayant de désarmer l’ennemi et de sauver le trône menacé. Neuf ans plus tard, au bord du Pruth, au moment où l’armée ottomane sera sur le point de s’emparer du tsar, une femme sauvera le tsar sous les yeux de Charles XIIe frémissant de rage, et justifiera ainsi la fortune qui lui a donné le trône de Russie. Ce que Catherine fera si bien en 1711, Aurore de Kœnigsmark voulut le faire en 1702, espérant gagner, non pas le trône de Saxe, mais la confiance de Frédéric-Auguste, cette confiance qu’elle avait eue naguère et dont le général de Flemming l’avait dépossédée.

Trompée dans son espoir. Aurore de Kœnigsmark semble ne s’attacher désormais qu’à l’avenir de son fils. Tant qu’il avait habité Hambourg ou Berlin, Breslau ou Varsovie, elle le surveillait elle-même, quoique de loin, et plus d’une fois chaque année elle allait le visiter dans sa retraite; maintenant qu’il est en Hollande, elle a besoin d’être informée sans cesse de tout ce qui le concerne. Les lettres qu’elle reçoit comme celles qu’elle écrit attestent de sa part la sollicitude la plus tendre. Le cher petit mystérieux, comme elle l’appelle, n’est-il point malade? Est-il soigné comme il doit l’être? Est-il appliqué à l’étude? D’où vient que ses progrès sont aussi lents? Le gouverneur, M. Delorme, qui décidément ne peut s’entendre avec son collègue, est remplacé par un officier saxon, M. de Stötteroggen, qui s’attache à son élève avec une affection toute paternelle. M. de Stötteroggen est bien le représentant fidèle de la comtesse de Kœnigsmark lorsqu’il entretient dans l’esprit du roi de Pologne le souvenir du jeune comte, et que, vantant sa grâce, son esprit aimable, il réclame pour lui les honneurs dignes de sa haute naissance. Le 23 janvier 1706, il écrivait à un des ministres de Frédéric-Auguste : « Le cher petit comte Maurice se porte parfaitement bien et profite beaucoup en tout ce qu’il apprend. Il est admiré ici de tous les grands et on le voudrait avoir partout, tant il est aimable. Il va souvent chez Mme la princesse de West-Frise, qui est ici avec Mme la princesse de Radziwill, sa sœur. Nous sommes connus de plusieurs ministres publics, comme de M. de Gersdorff, de M. de Schmettau et de M. de Bothmar. Ils nous viennent voir, et nous allons dîner de temps en temps chez eux. J’espère qu’il soutiendra