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Parmi les inscriptions publiées dans le premier volume de M. de Rossi, il n’y en a qu’une trentaine qui soient antérieures à Constantin, et de ces trente une seule présente un intérêt véritable. C’est celle de Prosénès, intendant des trésors et du domaine privé de Commode, qui semble avoir eu dans cette cour une certaine importance. Ses affranchis l’aimaient, et après sa mort ils lui élevèrent à leurs frais un somptueux tombeau qui existe encore dans la villa Borghèse. Au premier abord, rien ne le distingue des autres tombes païennes. Les mêmes formules y sont employées, et Commode y reçoit son surnom officiel de divus ; mais, en regardant bien, on trouve au côté droit du sarcophage, en caractères modestes et qui semblent vouloir se cacher, une courte inscription qui parle d’un autre ton. Elle est l’œuvre d’un pieux affranchi de Prosénès qui nous apprend que, de retour à Rome d’une expédition, il a voulu écrire sur cette tombe la date du jour où son maître est retourné à Dieu. Ce soin de mentionner la date de la mort et surtout cette expression : receptus ad Deum, ne laissent plus de doute. Prosénès était chrétien, mais probablement un chrétien timide, qui tenait à ses fonctions et craignait de compromettre sa fortune. Aussi n’avait-il pas fait à ses serviteurs, à ses amis, la confidence de sa foi. Un d’entre eux pourtant la connaissait, et précisément celui-là se trouvait loin de Rome quand son patron mourut. A son retour, le pauvre affranchi, qui gémissait sans doute de ce que son maître avait été privé de la sépulture sacrée des catacombes, voulut au moins sanctifier d’un souvenir et d’un mot la tombe païenne qu’on lui avait élevée. Il y a donc là toute une histoire intime que nous font soupçonner ces quelques paroles.

Les inscriptions postérieures à Constantin sont loin d’avoir le même intérêt. Ce sont des épitaphes qui se succèdent d’une façon monotone avec des formules à peu près semblables. La seule différence qu’on puisse établir entre elles, c’est qu’à mesure qu’on avance, le latin se corrompt, les fautes deviennent plus graves et l’orthographe plus capricieuse. Tout à l’heure, avec M. Mommsen, nous assistions aux efforts d’un peuple qui se civilise et aux progrès d’une langue qui se polit. Partis du dialecte grossier des vainqueurs des Samnites, nous nous acheminions par degrés jusqu’à