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nouveau était condamné, en face de l’Europe debout et prête à tirer l’épée, à réorganiser l’armée, doublement affaiblie par la secousse révolutionnaire et par le licenciement forcé de la garde royale, qui était à elle seule toute une armée d’élite. Et si, à côté d’elle, on voyait se lever en masse, sur tous les points du territoire, la garde nationale, si le gouvernement y trouvait l’appui d’un suffrage universel d’autant plus sincère et imposant qu’il était spontané, ce concours tout moral ne lui apportait pas encore le secours d’une force militaire, car cette grande réserve nationale n’était alors ni armée ni instruite.

C’est en ce moment d’un antagonisme si redoutable que la monarchie constitutionnelle et parlementaire de Louis-Philippe avait à affirmer la révolution de 1830 au dehors et à confirmer l’ordre au dedans.

Les faits proclament qu’elle n’a failli ni à l’un ni à l’autre de ces devoirs.

Dès les premiers jours, le gouvernement avait à décider quels seraient son attitude, ses résolutions, son langage dans ses rapports avec la politique de la sainte-alliance. Les divers cabinets, frappés de la soudaineté, de la vigueur, de l’universalité du mouvement national en France, en même temps que de la promptitude avec laquelle il s’était formulé en un gouvernement monarchique et régulier, avaient déclaré tout d’abord qu’ils n’entretenaient aucune pensée d’agression contre le gouvernement nouveau ; mais ils insistaient sur ces deux points : qu’ils ne souffriraient aucun remaniement des territoires dont le sort avait été fixé par le traité de Vienne, et qu’ils maintiendraient énergiquement les principes fondamentaux qui constituaient l’essence des traités de 1815.

Le gouvernement français n’hésita point. Du haut de sa force morale et malgré sa faiblesse matérielle d’un moment, il proclama, il imposa à l’Europe un droit des gens tout nouveau et conforme à sa propre origine. « La France a eu le droit, disait-il, de disposer d’elle-même : ce droit appartient à toute nation. » Telle est en peu de mots la substance du grand principe posé alors par le gouvernement français sous le nom de système de non-intervention. Il fut proclamé à la tribune des assemblées françaises et nettement établi dans les communications diplomatiques par l’illustre comte Mole, ancien ministre de Napoléon, alors ministre des affaires étrangères de Louis-Philippe. C’était, dès le premier jour, se placer résolument aux antipodes du principe même des traités de 1815 et les frapper au cœur. Pour avoir une juste idée de la hardiesse et de la portée de l’attitude prise par le gouvernement du roi Louis-Philippe en 1830, il suffit de se reporter aux termes aussi vifs qu’irrités dans lesquels elle était jugée par le prince de Metternich. « Nous devons, disait- il au mois de septembre 1830 à notre chargé d’affaires à Vienne, nous devons protester contre la prétention étrange du gouvernement français d’introduire pour sa convenance un nouveau droit des gens dont on n’avait jusque-là jamais entendu parler, et