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la limite des neiges éternelles ces petits dômes de gazon semés de fleurs roses, parure des derniers rochers surgissant au milieu des névés ; mais on rencontre quelquefois des plantes arctiques sur des sommets isolés et à des hauteurs où le climat est beaucoup plus doux que celui des régions boréales, leur véritable patrie. Ces faits viennent en aide aux idées émises pour la première fois par un naturaliste anglais, Édouard Forbes, enlevé jeune encore aux sciences naturelles. Forbes pensait que les plantes arctiques existant actuellement dans les montagnes de l’Écosse et de la Suisse, dans les Carpathes et les Pyrénées, se sont propagées du nord au sud pendant la période de l’ancienne extension des glaciers. Quand ceux-ci se sont fondus, les plantes ont disparu presque toutes sous l’influence d’un climat trop chaud pour elles ; mais quelques-unes se sont maintenues sur des points moins défavorables à leur existence. Ces points forment des îlots épars et isolés au milieu d’un pays dont la végétation est celle de la zone tempérée[1]. La section de géologie a toujours le privilège de réunir le plus grand nombre d’assistans et de donner lieu aux discussions les plus animées. Comment en serait-il autrement ? Les Alpes ne sont-elles pas le problème le plus difficile que la géologie ait à résoudre ? La constitution, l’origine, l’âge des Alpes, rien n’est complètement connu ni définitivement acquis à la science. Le sphinx gigantesque n’a pas encore été vaincu malgré le génie de ceux qui ont cherché à le deviner. Peu à peu cependant la lumière se fait. Dans ces entassemens chaotiques de sommets, dans ce lacis confus de vallées, on commence à entrevoir certaines formes primordiales. La succession de couches est soumise à des lois fixes[2]. M. Desor, comparant le versant méridional des Alpes aux environs de Varese, en Lombardie, avec le revers septentrional, constate que l’apparence et la constitution minéralogique des terrains sont complètement différentes. Quelques étages, la grande oolithe et le corallien, manquent tout à fait ; mais, en se laissant guider par l’étude des fossiles, on trouve que l’ordre de succession est le même. Seulement tout semble démontrer qu’au nord des Alpes les terrains se déposaient dans une mer agitée, riche en coraux et en coquilles, tandis que dans le sud des vases limoneuses se précipitaient au fond des eaux tranquilles d’un golfe sans orages. Une discussion s’engagea sur la position d’un terrain qui fait depuis longtemps le désespoir des géologues suisses, et auquel ils ont donné le nom de flysch. Les fossiles manquent ou ne sont pas reconnaissables. M. Heer, d’après

  1. Voyez sur ce sujet Desor, de l’Orographie des Alpes dans ses rapports avec la géologie, et en anglais dans Ball’s Guide to the weslem Alps.
  2. Voyez sur ce sujet Desor, de l’Orographie des Alpes dans ses rapports avec la géologie, et en anglais dans Ball’s Guide to the weslem Alps.