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maintenant placée pour l’avenir dans de saines conditions économiques. Elle persévère naturellement dans la voie où elle est entrée, et le traité franco-italien, récemment inauguré, présente dans son ensemble la tarification la plus libérale qui ait encore été adoptée en Europe. Il est à noter que la marine marchande de l’Italie est dès maintenant très supérieure aux besoins de son commerce. Son matériel naval se compose de plus de 16,000 bâtimens à voiles jaugeant plus de 650,000 tonneaux; les pyroscaphes sont en très petit nombre, 50 peut-être, de construction toute récente, et d’assez forte contenance. Il y a, comme on voit, grande disproportion entre le nombre des bâtimens à voiles et celui des bâtimens à vapeur : c’est que le feu coûte cher à l’Italie, qui manque de houille. Outre ses relations avec l’Angleterre et la France, qui sont de beaucoup les plus importantes, et qui comprennent à peu près la moitié des échanges avec l’étranger[1], l’Italie a des rapports fréquens avec l’Orient. La langue qu’on parle le plus généralement dans les Échelles du Levant est une sorte de patois italien. Les marins de l’Italie sont estimés et recherchés, pour la composition des équipages, par tous les capitaines qui fréquentent la Méditerranée. L’Italie est une des puissances à qui, toute proportion gardée, profitera le plus l’ouverture de l’isthme de Suez; elle s’y prépare, elle noue des relations avec l’Egypte : un décret du 3 août 1862 a institué un grand service maritime entre Ancône et Alexandrie. Le pavillon italien se montre aussi d’ailleurs hors de l’Europe : des relations commerciales existent avec l’Amérique, surtout avec les républiques du Sud, et le nom de Garibaldi rappelle ces colonies italiennes que l’on peut voir établies à Buenos-Ayres et à Montevideo.

Pour en revenir au mouvement industriel qui commence à se développer sur le territoire italien, on peut dire qu’il est né dans d’heureuses circonstances, au moment où les économistes voyaient partout triompher leurs idées. Le comte de Cavour d’abord, ses successeurs ensuite, ont laissé à ce mouvement le plus de liberté possible, ils lui ont épargné la dangereuse tutelle d’une réglementation étroite. Si donc depuis quatre ou cinq années bien des tentatives infructueuses ont été faites, si un assez grand nombre de sociétés industrielles sont nées et mortes librement, le terrain se trouve comme déblayé et l’industrie commence à marcher d’un pas plus sûr. Les auteurs de l’Annuaire statistique comptent actuellement dans le royaume 377 sociétés industrielles, dont 181 anonymes et

  1. En 1861, le commerce de l’Italie avec la France a été de 318 millions à peu près, répartis également entre l’importation et l’exportation. Le commerce avec l’Angleterre pendant la même année a été de 230 millions, dont les cinq septièmes environ représentent des importations faites en Italie. Les chiffres de 1862 sont à peu près les mêmes.