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tué à manier facilement les territoires. C’est avec des chemins de fer, c’est avec des lignes de bateaux à vapeur, que l’Italie, devenue maîtresse de ses destinées, s’est tout de suite efforcée de remédier au défaut de sa configuration, aggravé par l’existence de l’enclave romaine. En 1859, on avait à peine achevé la grande ligne de Suse à Venise avec embranchement vers le sud sur Plaisance; il n’y avait en outre que le petit réseau toscan et quelques tronçons isolés : c’étaient en tout 1,472 kilomètres de voies ferrées. Depuis quatre ans, 1,287 kilomètres nouveaux ont été mis en exploitation. Il y a d’ailleurs 4,464 kilomètres de lignes en construction, ou décrétées et concédées. En 1868 au plus tard, le nombre des kilomètres en exploitation s’élèvera à plus de 8,000. Ce sera une moyenne de 24 kilomètres de voie ferrée par 1,000 kilomètres carrés de superficie, chiffre fort respectable, puisqu’en France cette moyenne n’est encore à peu près que de 17. Le système général du réseau italien est indiqué par la configuration de la péninsule. Plaisance d’une part, Bologne de l’autre, sont les deux têtes de ligne auxquelles aboutit tout le réseau septentrional. Deux lignes parallèles partent de ces deux villes, longeant, la première la Mer-Tyrrhénienne, la seconde la Mer-Adriatique; elles sont reliées entre elles par une dizaine de lignes transversales construites à travers les Apennins. Ce réseau ne se fait pas d’ailleurs sans que le trésor ne s’impose d’énormes sacrifices; la garantie de l’état porte sur plus d’un milliard de capital, et il est à craindre que, pendant plusieurs années, cette garantie ne soit en grande partie effective. Cependant l’initiative privée compte pour beaucoup dans le mouvement qui s’est produit. Les Italiens ont même mis une certaine coquetterie à se passer des étrangers. Dans maintes circonstances où le gouvernement, pressé d’agir, allait faire des concessions à des capitalistes français ou anglais, on a vu le parlement s’agiter, et, appliquant aux entreprises de chemins de fer l’ancienne maxime Italia fara da se, parvenir à substituer des compagnies nationales aux compagnies étrangères. A-t-il toujours eu raison de se priver ainsi d’un concours puissant? C’est ce qui ne sera prouvé que quand les œuvres commencées seront menées à bonne fin; en pareille matière, tout est bien qui finit bien. Quant aux ingénieurs italiens, ils sont à la hauteur des grands travaux qu’ils doivent conduire. Tandis qu’on a vu la Russie, l’Autriche, avoir besoin des ingénieurs français pour exécuter leurs chemins de fer, que les Espagnols, ordinairement si jaloux de tout faire chez eux par eux-mêmes, nous ont emprunté pour leur réseau un nombreux personnel, les Italiens se passent à peu près de nous. L’exécution du réseau de la péninsule présente en plusieurs points de grandes difficultés techniques. Le percement