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du Vulturne; mais à partir de cette époque l’armée du nord continua seule les opérations militaires, et les troupes méridionales se replièrent derrière les lignes piémontaises. Les relations entre les deux armées furent dès lors assez difficiles. Les officiers de l’armée du nord regardaient de haut les garibaldiens, et ceux-ci trouvaient qu’on oubliait vite qu’ils venaient de conquérir un royaume. Dans les premiers jours de novembre 1860, Garibaldi quitta Naples pour retourner à Caprera; presque aussitôt un décret royal décida que l’armée méridionale serait convertie en un corps spécial qui ferait partie de l’armée régulière. Une commission composée de généraux de l’armée du nord et de généraux de l’armée méridionale fut chargée d’examiner les titres que pouvaient avoir pour entrer dans ce corps spécial tous ceux qui se donnaient pour officiers garibaldiens. On allouait six mois de solde aux officiers ou soldats qui voulaient retourner dans leurs foyers. Les soldats partirent presque tous ; il ne resta guère que les Vénitiens et les Romains, qui ne pouvaient rentrer chez eux. Quant aux officiers, les deux tiers environ demeurèrent. Beaucoup d’entre eux se plaignaient vivement d’être obligés de subir un scrutin alors que les officiers de l’Italie centrale, dont les états de service se bornaient à quelques mois de garnison, étaient reçus dans l’armée sans examen, alors qu’on y admettait d’emblée les officiers napolitains, qui avaient plus ou moins combattu contre le drapeau italien. Cependant les plus modérés étaient forcés d’avouer que le travail de la commission ne serait pas inutile, que la chancellerie militaire de Garibaldi n’avait pas toujours pu fonctionner bien régulièrement, qu’il y avait beaucoup de désordre dans les brevets, qu’il poussait derrière l’armée des officiers que personne n’avait jamais vus au feu, qu’enfin ceux qui avaient fait sérieusement la campagne n’avaient qu’à gagner à voir les titres de chacun soigneusement examinés. En écartant les amateurs, il devait rester deux mille candidats, et les officiers de l’armée régulière, naturellement préoccupés de leur avancement, ne laissaient pas de trouver que c’était là un fort contingent à introduire dans leurs cadres. Il y eut donc de la part de ceux-ci quelque résistance. Les restes de l’armée méridionale, officiers presque sans soldats, étaient allés tenir garnison dans les villes du Piémont. L’état-major général se trouvait à Turin. Des simulacres de régimens étaient à Mondovi, à Asti, à Biella, à Verceil, un peu de cavalerie à Pignerole, un peu d’artillerie à la Vénerie royale. La commission ne se hâtait pas de terminer son travail. Garibaldi sortit deux ou trois fois de Caprera, et vint au parlement pour élever la voix en faveur de ses anciens compagnons. Peu à peu les obstacles s’aplanirent, des concessions furent faites de part et d’autre, et les garibaldiens finirent