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lez être citoyens demain! » Cette parole domine encore la situation de la péninsule. Quelles sont donc les forces militaires au moyen desquelles l’Italie peut désormais défendre son autonomie? C’est là un des premiers objets sur lesquels se porte naturellement l’attention, quand on cherche à reconnaître quels sont les divers progrès que le nouveau royaume a pu réaliser depuis cinq ans.

Les Italiens deviennent-ils de bons soldats? Il ne manque pas de gens qui prétendent qu’ils n’ont point d’aptitude à l’état militaire. Ce fut du moins une opinion longtemps reçue dans toute l’Europe, et elle ne semble pas avoir encore perdu tout crédit. Il y a plusieurs siècles, un historien national de l’Italie qui avait été mêlé aux guerres de son temps aussi bien qu’aux affaires politiques, Guichardin, ne craignit pas d’affirmer que trois soldats italiens ne valaient pas un fantassin espagnol. On peut dire, pour expliquer ce jugement, que, dans les guerres auxquelles Guichardin avait assisté, les armées italiennes, composées de confédérés, s’étaient trouvées d’ordinaire paralysées par les dissentimens de leurs chefs : elles ne pouvaient donc que céder aux troupes espagnoles, aguerries et bien commandées. Guichardin, qui était, non un militaire, mais un homme d’état, ne jugeait de la valeur des troupes italiennes que par le résultat des guerres. Pendant longtemps, l’Europe dut nécessairement faire comme Guichardin. Cependant, lorsque sous Napoléon Ier on vit des régimens italiens sur les grands champs de bataille de l’Europe, on trouva qu’ils faisaient bonne contenance. Les Italiens ont enregistré avec orgueil le jugement que l’empereur porta sur eux dans une circonstance mémorable. Pendant les guerres d’Espagne, Macdonald et Suchet avaient demandé tous deux à avoir la division Palombini. « Deux de mes maréchaux, dit Napoléon dans le conseil des ministres, se disputent une division italienne; je la donne à Suchet, qui a de plus grandes choses à faire. Les Italiens seront un jour les premiers soldats de l’Europe. » Dans ce jugement, il faut sans doute faire une certaine part à la politesse qu’un souverain est tenu de montrer envers des troupes étrangères servant sous ses drapeaux; mais il est certain que dans beaucoup d’autres occasions les maréchaux français rendirent bon témoignage des troupes italiennes. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du passé, c’est une question qui préoccupe beaucoup de gens que de savoir comment une grande armée italienne manœuvrerait dans une guerre contre l’Autriche. Qu’adviendrait-il si des Romagnols, des Napolitains, des Siciliens, combattaient un jour sous la croix de Savoie dans ces grandes batailles que nos temps comportent?

Il est inutile de faire remarquer quel solide noyau la petite armée piémontaise a offert pour la formation de l’armée italienne; mais il