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sur les autres, et, semblable à la toile de Pénélope, l’organisation administrative du royaume restait toujours au même point. Peu à peu d’ailleurs les esprits en étaient venus à être moins préoccupés de l’urgence d’une solution. Aux premiers jours du nouveau royaume, chacun avait cru qu’on ne pouvait se passer d’une réorganisation immédiate et générale. On avait remarqué ensuite que le pays vivait assez bien sous le régime auquel se rattachait le nom de M. Rattazzi, et qui avait été étendu tant bien que mal à la plus grande partie du royaume; on avait donc le temps d’étudier la question, et il n’était besoin de rien précipiter. Il faut le dire aussi, l’état des provinces méridionales rendait encore nécessaire la continuation d’un régime exceptionnel en quelques points : tant qu’il en serait ainsi, n’était-il pas prudent d’ajourner l’inauguration de changemens administratifs qu’on ne pourrait peut-être pas appliquer tout de suite à certaines parties du royaume? Pour ces divers motifs, le ministère, le parlement et le public semblent, d’un commun accord, avoir détourné leur attention de l’administration provinciale et communale; le projet Peruzzi repose dans les cartons de la chambre, et le silence s’est fait sur ce point.

On peut voir maintenant, après ce court exposé de la question, comment elle est dominée par les deux faits que nous avons signalés au début. C’est l’activité de la vie municipale qui a permis au pays de prospérer sous un régime administratif regardé comme provisoire, et d’autre part c’est l’organisation piémontaise, c’est l’esprit méthodique de l’ancienne administration sarde, qui ont donné jusqu’ici à ces institutions provisoires un jeu suffisamment régulier. En raison de ces deux causes on a pu jusqu’ici retarder l’établissement d’un système définitif. Ce retard profitera sans doute aux institutions de l’Italie. Des lois administratives faites trop rapidement, et sans une expérience suffisante des conditions dans lesquelles doit vivre l’Italie nouvelle, n’auraient sans doute pas répondu aux besoins de la pratique. Il est bon que de pareilles lois, au lieu de jaillir toutes faites du cerveau d’un législateur, puissent se modeler lentement sur les mœurs publiques. Ainsi les Italiens verront s’appliquer chez eux, nous l’espérons, dans son sens le plus favorable cette maxime, que les nations ont toujours les institutions qu’elles méritent.


II.

Si l’Italie pouvait se donner le temps de réfléchir en matière d’administration, on conçoit qu’elle n’avait pas un instant à perdre pour organiser son armée. « Soyez soldats aujourd’hui, si vous vou-