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ne pénètre pas dans un terrain meuble à la manière d’un soc de charrue qui entame le sol et l’attouille : il agit comme un grand polissoir qui le nivelle. Tous les observateurs ont été frappés de l’horizontalité des terrains meubles sur lesquels les glaciers ont glissé pendant quelque temps ; ce sont, pour employer le langage des ingénieurs, des surfaces réglées. Les montagnards de la Suisse allemande désignent ces anciens lits de glaciers par un nom spécial : ils les appellent boden, ce qui veut dire plancher. Comme la plupart des glaciers de la Suisse, celui de Morteratsch a progressé ; les habitans de Pontresina estiment qu’il s’est avancé d’un kilomètre depuis trente ans environ. En 1834, lors d’une crue du torrent, on vit sortir de la voûte du glacier des planches, restes d’un chalet pastoral envahi depuis longtemps et recouvert actuellement par la glace. Des documens du XVe et du XVIe siècle indiquent la situation et les limites de l’alpe ou pâturage disparu.

Pendant que les géologues étudiaient les bases du glacier, les botanistes parcouraient les bois, quelques dessinateurs s’étaient installés avec leurs albums sur les genoux. Les jeunes gens avaient escaladé les rochers de la rive gauche, et s’étaient avancés sur la glace au milieu du labyrinthe de blocs dont la surface est couverte. L’approche de la nuit les rappela sur la terre ferme, et peu à peu toutes les voitures, traversant de nouveau Pontresina, ramenèrent à Samaden les savans et leurs hôtes, également enchantés de cette belle excursion où l’intelligence et l’imagination avaient été largement satisfaites.

Le lendemain, la société se divisa en sections qui se réunirent séparément. La section de zoologie était présidée par le professeur de Siebold, de Munich, dont les beaux travaux sur les vers intestinaux et la parthénogenèse sont connus du monde savant. La première communication du président se rattachait à cette dernière théorie, d’après laquelle des œufs non fécondés peuvent cependant éclore et donner des produits vivans. M. de Siebold a observé une ruche, âgée de quatre ans, qui fournissait constamment un grand nombre d’hermaphrodites. Ces malheureuses créatures sont immédiatement jetées au dehors par les ouvrières. Aucune ne ressemble à l’autre. Tantôt elles sont moitié mâles, moitié femelles ; la partie antérieure du corps est celle d’un bourdon, la partie postérieure celle d’une ouvrière. Quelquefois c’est l’inverse ; le devant est femelle, le derrière est mâle. Dans d’autres cas, la partie droite est mâle, la partie gauche femelle : on remarque à cet égard toutes les variétés imaginables, et sur quelques abeilles les anneaux sont alternativement mâles et femelles. Même variabilité pour les organes reproducteurs ; ces hermaphrodites ont tantôt l’aiguillon des ouvrières,