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actif qu’il méditait. C’est par l’intermédiaire de cet état de Sardaigne, si ingénieusement organisé, que l’Italie est entrée dans le concert de la diplomatie européenne; c’est sous ses drapeaux qu’elle est venue se grouper aux jours de la délivrance. Rien d’étonnant dès lors que le système piémontais ait aussitôt prévalu, qu’il ait semblé naturel de profiter d’une expérience couronnée de si brillans résultats, que les institutions du nouveau royaume se soient calquées jusqu’à un certain point sur celles des anciennes provinces.

L’énergie des institutions municipales, l’influence de l’organisation piémontaise, voilà les deux faits que l’on doit nécessairement retrouver dans l’histoire des idées et des travaux qui se sont produits depuis la paix de Villafranca au sujet de l’administration intérieure de la péninsule. C’est un sujet qui depuis quatre ans a sans relâche occupé les esprits, qui a été étudié dans une quantité innombrable de publications, qui a été élaboré incessamment par des commissions parlementaires. Pendant cette période, les questions relatives à la décentralisation administrative ont été présentées sous mille aspects divers, et s’il suffisait de discuter les questions pour les résoudre, celles-là auraient reçu sans nul doute en Italie une solution satisfaisante.

Les partisans du pouvoir central alléguaient à l’appui de leur thèse la force nécessaire à tout état, indispensable surtout à l’Italie, qui pouvait être appelée dans un court délai à soutenir contre l’Autriche une guerre formidable. Au point de vue même de la vie ordinaire et des affaires courantes, disaient-ils, il n’y a de décisions éclairées et impartiales que celles qui sont rendues par une administration supérieure siégeant dans une grande capitale; les décisions prises dans les provinces et dans les lieux mêmes où les intérêts s’agitent sont d’ordinaire dictées par des passions mesquines et aveugles. Ils ajoutaient que les diverses branches des services publics, si elles ne sont pas concentrées dans les mains de l’état, tombent au pouvoir de castes exclusives, que la justice, l’enseignement, le culte, la bienfaisance publique, deviennent le privilège de corporations ambitieuses. Il fallait donc faire résolument le sacrifice des coutumes et institutions locales qui ne peuvent pas trouver place dans le dessin et les lignes régulières d’un grand état, et l’on devait se regarder comme payé de ces sacrifices par l’agrandissement même du royaume ; cet agrandissement n’était pas en effet seulement une nécessité pour la défense de l’Italie, mais encore une condition indispensable de prospérité et de civilisation dans un temps où tout progrès matériel ou intellectuel ne se réalise que par de vastes associations. Quoi de plus naturel dès lors que de tout sa-