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pas refusé d’incliner son aréopage de rois devant un Jean Galéas? Chaque république, chaque prince un peu fort absorba ses voisins immédiats, puis se heurta à de plus puissans, et il s’établit une sorte d’équilibre, fort troublé, il est vrai, et fort laborieux, de telle sorte qu’à l’époque où le droit public international commençait à s’inscrire dans les traités européens, il s’y inscrivit sans les Italiens et contre eux. « Aussi, disait M. Guizot dans l’Histoire de la civilisation en Europe, beaucoup des Italiens les plus éclairés, les meilleurs patriotes de notre temps, déplorent-ils le régime républicain de l’Italie au moyen âge comme la vraie cause qui l’a empêchée de devenir une nation; elle s’est morcelée, disent-ils, en une multitude de petits peuples trop peu maîtres de leurs passions pour se confédérer et se constituer en corps d’état. Ils regrettent que leur patrie n’ait pas passé, comme le reste de l’Europe, par une centralisation despotique qui en aurait fait un peuple, et l’aurait rendue indépendante de l’étranger. » Ainsi, par les malheurs mêmes qu’elle cause, s’affirme dans l’histoire la vitalité des municipes italiens, qui avait été le principe de l’organisation des républiques. On peut dire, en se reportant aux événemens de ces dernières années, que cette vitalité n’a rien perdu de son énergie; mais si elle peut être accusée de tant de maux dans le passé, il ne lui reste plus, dans les conditions nouvelles où l’Italie se trouve placée, que d’heureux fruits à porter. Personne n’a peur aujourd’hui que Ferrare et Bologne descendent en champ clos, personne ne craint que Livourne et Gênes se livrent des batailles navales, personne ne suppose que Milan et Naples aient l’intention de défendre leurs intérêts respectifs autrement que par des votes parlementaires. Tout le monde en revanche sent quelles ressources offrent à un état tant de villes qui vivent par elles-mêmes et qui peuvent se passer de l’impulsion du gouvernement central. C’est là vraiment un des caractères originaux de l’Italie actuelle. Son unité ne s’étant point faite à une époque barbare, mais en plein développement moderne, elle n’a point eu à lui sacrifier ces forces de la vie municipale qui ont été plus ou moins énervées dans les autres nations par la formation même de l’unité politique.

Voilà un premier fait dont tout plan d’organisation administrative devra tenir compte. Il est un second élément qu’il faut s’attendre à rencontrer dans les systèmes essayés ou étudiés pour organiser l’administration générale : c’est l’influence piémontaise. Pendant dix ans, un homme de génie a travaillé à faire du royaume de Sardaigne une sorte d’état modèle. Il a examiné d’un œil attentif toutes les institutions de l’Europe, et il n’a rien négligé pour acclimater dans son pays celles qui lui paraissaient les plus propres au rôle