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vulgaire : il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Si, pour une cause ou pour une autre, la confiance du public dans la banque unique vient à s’altérer, tout s’arrête à la fois sur l’étendue entière du territoire; la crise est immense et universelle. Dans le système de la pluralité, les fautes commises par une banque ne réagissent sur les autres qu’indirectement; elles peuvent se secourir et se soutenir dans les momens difficiles, et dans le cours ordinaire des choses elles s’instruisent par leurs exemples et se contrôlent par la comparaison. On n’essaiera pas sans doute de prétendre que, dans l’état actuel des affaires, nos premières villes commerciales ne peuvent fournir des hommes en état de diriger une banque aussi bien que les administrateurs, si habiles qu’ils soient, de la Banque de France. Rien n’est d’ailleurs plus facile que de leur imposer par la loi des règles plus sévères et plus efficaces que celles qui président à notre grand établissement de crédit.

La constitution de la Banque de France présente deux vices fondamentaux. L’un est l’immobilisation de son capital, l’autre le droit illimité d’émission sans aucune proportion exigée avec l’encaisse métallique. Le capital versé par les actionnaires est de 182 millions, portés à plus de 200 par les réserves accumulées. De cette somme il ne reste pas un sou dans les caisses de la Banque; 150 millions sont placés en rentes sur l’état, 10 millions en immeubles, 60 millions avancés au trésor public; dans un moment de crise, la réalisation de ces gages serait fort difficile. En même temps l’émission des billets peut s’accroître sans limites, de telle sorte que nous avons vu tout récemment un découvert d’un milliard (800 millions en billets et 200 millions en dépôts exigibles) représenté par un encaisse métallique de moins de 200 millions. De pareils faits sont en opposition ouverte avec tous les principes admis en cette matière : ils peuvent n’avoir pas dans la pratique de grands dangers à cause de la confiance qu’inspire à bon droit l’administration de la Banque; mais une constitution qui offre de pareils défauts ne saurait être donnée comme un modèle. L’organisation des banques départementales pourrait aisément être bien meilleure. Il suffirait de remonter à leur origine pour trouver les exemples à suivre. D’après leurs anciens statuts, la somme de leurs billets en circulation et de leurs autres engagemens exigibles ne devait jamais excéder le triple de leur encaisse métallique. Il va sans dire que leur état de situation devrait être publié tous les mois et même toutes les semaines, et avec les détails nécessaires pour mettre le public au courant de tout ce qu’il doit savoir.

Toute banque qui se trouve près du siège du gouvernement présente des dangers particuliers. L’état a de grands besoins, il use