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où la violence provoque la lutte? Or on n’en était pas là en 1685, et les protestans, c’est une justice à leur rendre, n’avaient jamais été plus soumis et moins à craindre. Pour revenir à La Reynie et à la mission qu’il eut à remplir dans ces conflits, modéré, si on le compare à ceux qui l’entouraient, il empêcha sans doute bien des excès; mais il en laissa aussi commettre beaucoup trop et eut la faiblesse de s’y associer.


V.

Cependant les difficultés augmentaient pour le lieutenant-général de police avec la continuation de la guerre et la durée du règne; mais, semblable à tous les hommes en place, il ne paraissait pas disposé à prendre sa retraite, comme si l’expérience, sauf quelques exceptions éclatantes, pouvait remplacer la vigueur de l’esprit et du corps. Longtemps les ministres l’avaient habitué aux complimens les plus flatteurs, à l’approbation la plus complète. Quand en 1689 Pontchartrain devint contrôleur-général, les choses changèrent d’aspect. Aimable, spirituel, plein de grâce et de feu dans le monde, mais tranchant et cassant dans les affaires, Pontchartrain ne ménagea pas La Reynie, et semble n’avoir rien négligé pour l’éconduire. A l’occasion des troubles suscités en 1692 par la cherté du pain, il écrivait au premier président de Harlay : « Il ne faut pas que M. de La Reynie se plaigne que le service de la police ne se fait point, sous prétexte qu’on en a dispensé quelques officiers. Pareilles querelles d’Allemand ne me vont point; on en a substitué un bien plus grand nombre que celui qu’on en a dispensé. C’est à lui à se faire servir par les voies d’amende et d’autorité qui lui sont confiées, et il ne doit pas compter que ses faux prétextes lui servent d’excuses là-dessus. » La Reynie lui-même ne semblait pas très rassuré non plus sur les dispositions de M. de Harlay, à qui il écrivait assez humblement (20 juin 1692) au sujet de mesures contre les vagabonds de Paris : « Par malheur pour le public et pour vous-même, vous ne sauriez nous rendre tels que vous voudriez que nous fussions, et tels que nous devrions être. »

Conseiller d’état ordinaire depuis 1686, La Reynie était alors âgé de soixante-sept ans, et il y en avait vingt-cinq qu’il occupait l’emploi de lieutenant-général de police. Au mois de décembre 1690, Jérôme Bignon en avait eu la survivance, à la demande du titulaire, qui, d’après Dangeau, a avoit prié le roi de le soulager dans les fonctions de cette charge, qui étoit fort pénible, » d’où l’on peut conclure qu’il songeait parfois à s’en démettre, mais que le charme irrésistible du pouvoir le retenait. Quoi qu’il en soit de ces indécisions, le moment de la retraite arriva. Jérôme Bignon ayant pré-