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tranchée, le dernier à être pendu devant la Bastille, de Préaux et van den Enden devant être préalablement soumis à la question. La Reynie aurait voulu qu’il en fût de même pour le chevalier de Rohan: mais la chambre de l’Arsenal lui en épargna l’humiliation et les douleurs. La Reynie prévenait en outre Colbert que l’arrêt était ajourné au lendemain, afin que l’exécution pût avoir lieu le même jour. « Je vous supplie, ajoutait-il, de me faire savoir s’il y a quelque choix particulier à faire d’un confesseur pour M. de Rohan; le père Bourdaloue n’en était pas encore satisfait à midi. » A partir de cet instant jusqu’à la dernière heure, les lettres de La Reynie se succèdent. Le 27 novembre, à sept heures du matin, il écrit à un de ses agens : « Faites-moi savoir par le sieur Desgrez tout ce qui se passera à la prononciation de l’arrêt, particulièrement à l’égard de M. de Rohan, et, s’il y a quelque chose d’important, écrivez-moi sur un morceau de papier, et mettez-le entre les mains du sieur Desgrez, que je ferai tenir à la Bastille pour cela. Il y a ici un courrier de Saint-Germain qui attend ce que je vous demande, et que je ferai partir sur-le-champ... » Un contemporain a prétendu que Louis XIV aurait fait grâce au chevalier de Rohan, s’il n’eût craint de paraître céder à l’influence de Colbert, qu’on supposait s’y intéresser à cause de son gendre, le duc de Chevreuse, dont le chevalier de Rohan était parent. Pour ôter tout prétexte aux commentaires, Colbert quitta la cour pendant quelques jours, et c’est à Seignelay que La Reynie adressa ses dernières lettres. Noble privilège du génie ! on essaya d’une représentation de Cinna, mais Louis XIV demeura inflexible, alléguant, dit-on, qu’il s’agissait de la France, non de lui, et qu’il n’était pas libre de pardonner à des hommes qui avaient comploté avec l’étranger. Les ordres suprêmes furent donc donnés. Le 27 novembre, à dix heures du matin, La Reynie prévint Seignelay que toutes les dispositions étaient prises, les troupes commandées, les chaînes des principales avenues aboutissant à la rue Saint-Antoine tendues. Il l’informait en même temps que le chevalier de Rohan, humble et courageux tout à la fois, avait communié avec de grands sentimens de piété, et que le père Bourdaloue était invité à ne rien négliger pour provoquer, au dernier moment, ses aveux concernant le crime d’état. Une autre lettre annonçait à Seignelay que van den Enden, mis à la question, avait encore chargé le chevalier de Rohan, à qui il aurait ouï dire à plusieurs reprises : Si nous pouvions avoir le roi! Enfin à sept heures La Reynie rendit compte de l’exécution. Rohan était mort en chrétien, avec une fermeté modeste, mais sans avoir pu prendre sur lui de regarder de sang-froid son dénonciateur. Pour éviter quelque récrimination violente, on mit, d’après La Reynie, « ce misérable