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marquis de Bonnesson a eu la tête tranchée à la Croix-du-Trahoir; il est mort huguenot, et n’a jamais voulu entendre le docteur de Sorbonne qui a voulu le convertir, afin qu’il mourût à la romaine. Il n’a point voulu être bandé. Je pense qu’il a été vu de tout Paris, car on l’a mené de la Bastille, dans une charrette fort élevée, jusqu’au lieu du supplice. Il avoit un livre entre ses mains, dans lequel il lisoit... » Avec lui s’éteignit le dernier souffle de ce qu’il pouvait y avoir eu d’aspirations honnêtes et libérales dans les premiers temps de la fronde. Grâce aux folles ambitions du cardinal de Retz et des princes, le pouvoir absolu était désormais si bien établi, qu’une révolution impitoyable, qui couvrit la France de ruines fécondes, était seule capable de le briser.

Une nouvelle exécution pour crime de lèse-majesté eut lieu à Paris dix ans après. En 1668, l’ambassadeur de France à Londres avait signalé l’arrivée en Angleterre « d’un des sujets les plus malintentionnés du monde. » Il s’agissait encore d’un protestant. Roux de Marcilly, né à Nîmes, qui, alléguant l’injustice des procédés du gouvernement à l’égard de ses coreligionnaires, n’avait imaginé rien de mieux, pour y mettre fin, que de tuer le roi. L’ambassadeur ajoutait que, caché dans un cabinet chez un de ses amis où se trouvait Roux de Marcilly, il avait obtenu, à l’aide d’une série de questions concertées, les renseignemens les plus complets sur les projets du conspirateur. Celui-ci, étant rentré en France pour les mettre à exécution, fut arrêté, jugé et condamné à mort. Le procureur du roi au Châtelet, qui avait soutenu l’accusation, écrivit à Colbert que, « de l’avis de tous messieurs les conseillers, il n’y avoit point de supplice assez grand pour expier le crime dudit Roux de Marcilly, lequel étoit si foible que l’on n’avoit pu lui donner la question. » Ce crime était, d’après les termes mêmes du jugement, « d’avoir pris part à des négociations secrètes contre le service du roi et de l’état, et d’avoir tenu des discours pernicieux qui marquoient ses desseins abominables contre la sacrée personne de sa majesté. » Roux de Marcilly fut exécuté le 21 juin 1669. « Il avoua, dit le procès-verbal de son exécution, qu’il avoit tout fait pour susciter des ennemis au roi, qu’il mouroit dans la volonté de le persécuter jusqu’à l’extrémité, puisqu’il poussoit à outrance ceux de sa religion, et que, s’il étoit encore en état, il n’y auroit rien qu’il épargnât et qu’il ne fît contre cela. »

Cinq ans plus tard, un aventurier du nom de Sardan s’engageait, avec le prince d’Orange et avec le roi d’Espagne, à faire soulever la Guienne, le Languedoc, le Dauphiné et la Provence. Protestant comme Bonnesson et Roux de Marcilly, originaire du Languedoc ainsi que ce dernier, il débuta chez un de ses oncles, greffier de la