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dans un livre curieux, imprimé pour la première fois à Bruxelles cinq ans après, et attribué à l’abbé Boileau, frère du poète : « Ce n’est pas seulement dans les maisons particulières, dans les bals, dans les ruelles, dans les promenades, que les femmes paroissent la gorge nue; il y en a qui, par une témérité effroyable, viennent insulter à Jésus-Christ jusqu’au pied des autels. Les tribunaux mêmes de la pénitence, qui devroient être arrosés des larmes de ces femmes mondaines, sont profanés par leur nudité... » Et non-seulement des femmes provoquaient de pareilles réprimandes; plus audacieuses encore, quelques-unes osaient pénétrer dans les églises avec un masque. C’est ce que fit entre autres, vers les derniers jours de février 1683, la femme du procureur-général des monnaies. Dans son indignation, La Reynie avait proposé de la mettre à l’amende. Seignelay lui répondit que « le roi ne le vouloit pas, n’y ayant point encore d’ordonnance sur ce sujet; mais sa majesté vouloit qu’il en rendît une, portant telle amende qu’il estimeroit à propos contre tous masques qui entreroient dans l’église, et qu’il la fît publier incessamment. » Enfin, le 30 novembre de la même année, le pape Innocent XI crut devoir, tant le mal dénoncé par les vicaires-généraux de Toulouse était difficile à guérir, venir en aide aux évêques de France, et fulmina à son tour les mêmes peines canoniques contre les femmes qui paraîtraient dans les églises avec des toilettes inconvenantes.

Chaque jour, on a déjà pu s’en convaincre, suggérait à La Reynie de nouveaux sujets de réforme ou d’améliorations. Il avait proposé, au mois de novembre 1687, divers moyens pour arrêter le fléau toujours croissant de la prostitution à Paris. Seignelay lui répondit que le roi approuvait les conclusions de son rapport et voulait qu’il lui soumît tous ses plans « pour l’établissement du bon ordre dans cette grande ville sur toute sorte de matières, afin d’empêcher, autant que cela dépendoit de son autorité, la dépravation publique. » Le lieutenant-général de police s’était depuis longtemps fait à lui-même ces sages recommandations, et l’on peut dire que l’établissement du bon ordre dans Paris fut le but constant de ses efforts. Sa correspondance avec Colbert, Seignelay, de Harlay, montre le zèle qu’il déployait dans l’exercice de ses délicates fonctions. Ce serait une erreur de croire que la population parisienne fût alors plus facile à administrer que de nos jours. Dans maintes circonstances, elle échappait complètement à l’action de ses magistrats. Au mois d’août 1686, elle insulta l’ambassadeur de Siam, arrêta un de ses carrosses, battit son cocher. Le roi, fort mécontent, fit écrire à La Reynie de prévenir le retour de ces désordres, et de publier, si c’était nécessaire, une ordonnance à cet égard. Quelques années après, pendant la guerre avec le Piémont, la princesse de Carignan