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avoit joués devant sa majesté, à condition que l’on n’y chanteroit, ni danseroit. » La police les avait donc interdits. Le 6 décembre 1690, le chancelier Pontchartrain prévenait La Reynie qu’on devait donner au premier jour une comédie où figureraient d’une manière ridicule les princes de l’Europe ligués contre la France, mais que le roi ne voulait ni le souffrir, ni le défendre ouvertement. « Il faut, disait Pontchartrain, que ce soit vous qui, de votre chef et sans bruit, mandiez quelques-uns des comédiens pour vous donner cette pièce à lire, après quoi, de vous-même et sous d’autres prétextes, vous leur direz de ne pas la jouer. » Enfin le droit de siffler au théâtre, que Boileau croyait avoir à jamais consacré, n’était pas si bien établi que les ordonnances de police n’y apportassent quelquefois des restrictions essentielles. Un nommé Caraque s’était permis de siffler à la comédie. « Le roi, écrit Pontchartrain à La Reynie (17 septembre 1696), m’ordonne de vous dire de le faire mettre en liberté, s’il n’est détenu pour autre cause. Sa détention de trois semaines, avec une réprimande que vous lui ferez, le rendront sage. »

S’il est un lieu en France où le sentiment des convenances règne aujourd’hui d’une manière absolue, c’est, grâce à la piété des uns et à la respectueuse déférence des autres, l’église et le temple. Les toilettes extravagantes osent à peine s’y aventurer, et les femmes qui s’y présenteraient la gorge et les bras nus, comme au théâtre ou au bal, seraient conspuées. Malgré son intolérance et ses prétentions à l’orthodoxie, le XVIIe siècle excitait, sous ce rapport, les justes colères des prédicateurs. L’œil ouvert sur tous les abus, la police avait informé le roi que, sous prétexte de dévotion aux âmes du purgatoire, les théatins faisaient chanter un véritable opéra dans leur église, qu’on s’y rendait pour la musique, que les chaises y étaient louées dix sous, et qu’à chaque changement on faisait des affiches comme pour une nouvelle représentation. En signalant ce fait à l’archevêque de Paris (6 novembre 1685), le marquis de Seignelay ajoutait qu’à raison des bonnes dispositions des religionnaires « il seroit bon d’éviter ces sortes de représentations publiques, qui leur faisoient de la peine et pouvoient augmenter leur éloignement pour la religion. » Un mandement des vicaires-généraux de Toulouse, du 13 mars 1670, constate des faits non moins regrettables. Après s’être vivement élevés contre les femmes qui, « violant pour ainsi dire l’immunité des églises, portoient, par la nudité de leurs bras et de leur gorge, le feu de l’amour impur dans les cœurs des fidèles qui s’y retiroient comme dans des asiles consacrés à la prière et à la sainteté, » les vicaires-généraux défendaient, sous peine d’excommunication, d’y entrer et de se présenter aux sacremens en cet état d’immodestie et d’indécence. On lit en outre