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perdu, dit-on, au hoca plus de 50,000 écus. Le roi l’a trouvé fort mauvais et s’est fort fâché contre elle[1].» Mme de Sévigné nous apprend aussi que Louis XIV blâmait ces excès; puis elle ajoute : « Monsieur a mis toutes ses pierreries en gage. » On savait de plus que celui-ci, pendant une campagne, avait perdu 100,000 écus contre Dangeau et Langlée.

Cela n’empêchait pas de défendre les jeux de hasard partout ail- leurs qu’à la cour, mais on se figure la difficulté de la répression alors que l’exemple partait de si haut. Un gentilhomme avait obtenu d’établir dans Paris un nombre illimité de jeux dits de géométrie ou de lignes; La Reynie les restreignit à deux et fut approuvé. Un sieur de Bragelonne, une demoiselle Dalidor donnaient à jouer; on le leur défendit, et le lieutenant de police eut ordre de surveiller la demoiselle Dalidor pour l’expulser de Paris, si elle continuait. Dans la même année (1678), le duc de Ventadour, dénoncé comme faisant jouer le hoca, ayant persisté malgré un avertissement du roi, Seignelay écrivit à La Reynie : « Sa majesté fera parler si fortement à M. de Ventadour sur le jeu de hoca qu’il a établi chez lui, qu’elle n’a pas lieu de douter qu’il ne finisse entièrement ce commerce à l’avenir[2]. » Au lieu de cela, les parties devinrent plus animées que jamais. Pouvait-il en être autrement? Le jeu redoublait à Versailles, et Paris ne l’ignorait pas. A mesure que Louis XIV vieillissait, il cherchait dans le jeu les distractions que la galanterie ne lui donnait plus. « Sa majesté résolut, dit le marquis de Sourches (novembre 1686), pour donner quelque amusement à sa cour, de faire recommencer les appartemens[3] aussitôt qu’elle seroit de retour à Versailles, et même d’y jouer elle-même un très gros jeu au reversi, pour lequel chaque joueur feroit un fonds de 5,000 pistoles. Les joueurs dévoient être le roi, Monseigneur, Monsieur, le marquis de Dangeau et Langlée, maréchal des logis des camps et armées du roi. » Le marquis de Sourches ajoute que, les avances étant considérables, les joueurs s’associaient entre eux, et que le roi eut la bonté de mettre de moitié avec lui quelques personnes, notamment le maître des requêtes Chamillart.

Ce que l’on devait prévoir ne manqua pas d’arriver, et les joueurs se multiplièrent à l’infini. La Reynie punissait les petits et dénonçait les plus haut placés, devant lesquels s’arrêtait son pouvoir; mais ceux-ci se tiraient toujours d’affaire et recommençaient aussi-

  1. Bibliothèque impériale, Mss. F.F. 10,265; Lettres historiques et anecdotiques sur le règne de Louis XIV.
  2. Depping, Correspondance administrative sous Louis XIV, t. II, p. 563, 571, 573.
  3. Nom donné aux jours où le roi invitait à quelque divertissement dans son grand appartement de Versailles.