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domestiques des grandes maisons continuaient de porter l’épée. La Reynie annonça, dès le début, l’intention de faire quitter l’épée aux valets et autres personnes capables de causer du désordre, de faire sortir de Paris les gens sans aveu qui pouvaient servir le roi dans ses armées et de purger ainsi la ville de tous les vagabonds. Ces principes posés et nettement proclamés, il s’agissait de montrer qu’ils ne seraient pas lettre morte. Une occasion se présenta bientôt. Un laquais du duc de Roquelaure et un page de la duchesse de Chevreuse avaient battu et blessé un étudiant sur le Pont-Neuf. Ils furent appréhendés, condamnés à être pendus et exécutés sans miséricorde, malgré les plaintes de leurs maîtres, dont la dignité se prétendait offensée (tant les instincts féodaux étaient difficiles à refréner) par cette application du droit commun à leur domesticité. Deux ans après, le 5 juin 1669, La Reynie remettait en vigueur d’anciennes ordonnances défendant aux domestiques de quitter leurs maîtres sans congé, et aux maîtres de prendre des domestiques sans livret régulier. Si l’esprit de réglementation était en ce cas excessif, il témoigne du moins de l’état des mœurs. La violence et l’insolence des laquais de grande maison étaient en effet tellement enracinées que, le 25 mars 1673, le lieutenant-général de police dut leur défendre de nouveau de s’attrouper sous peine de la vie, et de porter des cannes ou bâtons sous peine de punition corporelle, indépendamment d’une amende de trois cents livres contre leurs maîtres. L’ordonnance était motivée sur ce que la défense d’avoir des bâtons, faite plusieurs fois aux laquais, et le châtiment exemplaire que quelques-uns avaient encouru ne suffisaient pas pour empêcher un certain nombre d’entre eux d’en porter et de se livrer à des actes de brutalité intolérables sur les bourgeois, et même sur les personnes de qualité. Cependant le désordre continua, et l’on vit en 1682 les laquais commettre de nouvelles insolences envers de jeunes filles et des dames de la cour à la porte même des Tuileries. Plus tard enfin, en 1693 et 1696, des ordonnances interdirent aux domestiques d’entrer dans les jardins publics, et il fallut encore leur réitérer la défense de porter des bâtons.

Après les crimes et les désordres de la rue, le soin de prévenir et de réprimer les pamphlets et libelles fut la partie la plus importante et la plus délicate des attributions de La Reynie, celle qui exigea de sa part, du premier au dernier jour de son administration, la surveillance la plus sévère. Malgré le prestige et la force incontestables du gouvernement, l’esprit de la fronde n’était nullement éteint, et bien des germes d’opposition couvaient çà et là. La durée excessive du procès de Fouquet et les violences faites à quelques juges, les récriminations des grands financiers soumis à des resti-