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de Nicolas. A peine marié, il paraît avoir acheté une charge au présidial d’Angoulême. On le retrouve l’année suivante à Bordeaux président de la sénéchaussée de Guienne. Quand les troubles de la fronde éclatèrent, La Reynie, qui avait pris sagement parti pour l’autorité royale, tint tête au parlement, tout dévoué au prince de Condé; mais les rebelles eurent le dessus, et sa maison fut pillée. Dans cette extrémité, il se vit forcé de chercher un refuge chez le duc d’Épernon, gouverneur de la province, qui le présenta au roi, à la reine, et le fit son intendant. Tels sont les rares détails que nous avons sur les commencemens du jeune magistrat. Le duc d’Épernon était trop détesté dans la Guienne pour pouvoir y rester, même après la défaite des frondeurs. Appelé au gouvernement de la Bourgogne, il emmena avec lui La Reynie, qui, plein de résolution, désireux de parvenir, aspirait à montrer sa capacité sur une scène moins étroite. Au mois d’août 1657, d’Épernon, pour lui complaire, le recommandait au dispensateur de toutes les grâces, à Mazarin; mais la recommandation fut sans effet, et, bon gré, mal gré, La Reynie demeura attaché au gouverneur de Bourgogne jusqu’à sa mort. Il avait, s’il faut en croire un factum écrit à l’occasion d’un procès de famille, grandement accru sa fortune par des spéculations commerciales pendant son séjour à Bordeaux. Dès que la mort du duc d’Épernon lui eut rendu sa liberté (juillet 1661), il acheta la charge de maître des requêtes, qui ne lui coûta pas moins de 320,000 livres. Placé désormais sur un théâtre où ses qualités pouvaient se produire, apprécié par Colbert, il ne pouvait tarder à voir s’offrir l’occasion que rarement la fortune refuse à ceux qui en sont dignes. « Il avoit beaucoup d’esprit et de manège, dit le marquis de Sourches, grand-prévôt de France ; il parloit peu et avoit un grand air de gravité. » Enfin son heure vint, et au lieu d’une intendance, visée ordinaire des maîtres des requêtes, qui, si importante qu’elle eût pu être, l’aurait relégué au fond d’une province, il obtint à Paris même la magistrature la plus considérable après celle de premier président et de procureur-général du parlement, et se trouva ainsi du premier coup en rapports fréquens et secrets avec le roi. Si l’attente de l’ambitieux maître des requêtes avait été longue au gré de ses désirs, le dédommagement était proportionné, et dépassait sans doute ses prévisions.


I.

L’édit du 15 mars 1667, qui avait réorganisé la police de Paris, traçait aussi exactement que possible la ligne de démarcation entre les fonctions du magistrat chargé de veiller à la sûreté publique et