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REVUE. — CHRONIQUE.

mais le duo pour soprano et contralto sur les paroles — qui tollis peccata mundi, miserere nobis, — nous a paru le plus religieux de la première partie du programme.

Le credo est une conception presque nouvelle par la distribution habile des effets et des épisodes. Ainsi le Crucifixus donne lieu à un air de soprano fort beau, où l’on remarque surtout — passus et sepultus, — d’un accent profond et pénétrant, et le chœur qui reprend ensuite à ces paroles — et resurrexit tertia die — produit un effet qu’il est impossible de décrire, tant il y a de beautés partielles qui pétillent dans l’intérieur de cette masse puissante. Après un prélude de l’orgue, qu’on exécute pendant l’offertoire, fragment symphonique d’un beau caractère, vient le Sanctus, suivi du Benedictus, intermède à deux voix, qui est d’une couleur touchante. L’œuvre s’achève par l’Agnus Dei, dont le motif est remarquable aussi par la suavité, car cette phrase, qui est d’abord produite par une voix de contralto, va se réunir à un chœur puissant qui a ce texte pour appui : — miserere nobis, dona nobis pacem.

L’exécution de cette belle œuvre était confiée aux deux sœurs Marchisio ; M. Gardoni chantait le ténor, et M. Agnesi, du Théâtre-Italien, était chargé de la partie de basse. L’harmonicorde-Debain a été tenu par M. Lavignac. Malgré l’exiguïté des moyens dont on a pu disposer, l’auditoire qui remplissait les salons du bel hôtel où se passait la scène a fait répéter trois morceaux, — le Cum sancto, le Sanctus et l’Agnus Dei. — L’émotion a été grande, et les témoignages d’admiration n’ont pas manqué à cette messe, dont les proportions exigent absolument un accompagnement d’orchestre. Le maître du coloris voudra sans doute compléter son œuvre par une instrumentation qu’il saura approprier au caractère des différens épisodes qui composent le drame de l’église. Il n’y a que de pauvres esprits qui aient méconnu et qui méconnaissent encore la faculté dramatique du plus fécond et du plus varié des compositeurs de théâtre. Qu’on prenne la partition de Rossini qu’on voudra, Tancredi, par exemple, qui a été son début à Venise en 1813, et l’on y trouvera des scènes, des duos, des airs et des chœurs qui ont plus de charme et de vérité de style qu’il n’y en a dans dix opéras modernes comme Mireille de M. Gounod, dont j’aurai bientôt à m’occuper. — Ci rivedremo, ci parleremo !

Puisque nous venons de parler d’un chef-d’œuvre de la musique religieuse, il n’est pas hors de propos de dire quelques mots d’une Société académique de musique sacrée, qui s’est fondée en 1863, sous la direction de M. Vervoitte, maître de chapelle à l’église de Saint-Roch. Cette société, composée d’amateurs et de quelques artistes qu’elle s’adjoint, a pour but de concourir à une œuvre pieuse par des souscriptions et par le produit des concerts qu’elle donne chaque année. C’est le 7 mars, dans la salle de M, Herz, qu’a eu lieu la première séance de cette année. Le programme, divisé en deux parties, était assez bien composé. C’est par un Kyrie d’une