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les horreurs qui viennent d’être révélées dans le long procès des frères La Gala et des passagers de l’Aunis. Que ces monstrueux assassins aient joui de la protection du gouvernement pontifical, et que cette protection s’étende encore sur les recrues des bandes qui se reforment au sud de l’Italie, n’est-ce point le plus triste exemple de l’anarchie morale dont nous parlions en commençant ? L’inquiétude la plus récente qui nous soit venue du côté de l’Italie a pour objet la santé déclinante du pape ; nous croyons que les nouvelles peu rassurantes qui depuis quelque temps ont été répandues à ce sujet sont malheureusement exactes : c’est dire que les préoccupations que peut exciter un si grand et si grave intérêt sont fondées.

Un incident qui n’est point étranger aux affaires italiennes est le voyage annoncé de Garibaldi en Angleterre. L’épisode qui se prépare de l’autre côté du détroit ne nous paraît point devoir produire de conséquences politiques ; il ne sera qu’un des phénomènes moraux caractéristiques de ce temps-ci. Il va sans dire que Garibaldi rencontrera en Angleterre et de la part de toutes les classes de la population un accueil enthousiaste. Les ovations qui attendent Garibaldi ne doivent pas nous surprendre, et nous ne doutons point qu’il n’en obtînt de semblables des populations des grandes villes françaises. Entre les masses et des hommes tels que Garibaldi il y a d’impétueux courans d’électricité qu’aucune puissance humaine ne peut interrompre. Une grande simplicité d’esprit, une inflexible droiture de dessein, un enthousiasme inépuisable, un désintéressement absolu, une existence d’aventures semée des péripéties les plus surprenantes, le chef traqué de 1849 conquérant dix ans plus tard un royaume en malle-poste et en chemin de fer, et deux ans après encore tombant blessé et prisonnier dans une folle entreprise accomplie pour l’idée qui est l’unité de sa vie, il y a là plus de qualités morales et de merveilleux qu’il n’en faut pour s’emparer du cœur et de l’imagination des peuples. Mais ce qui est étrange, c’est que l’homme singulier qui est aujourd’hui le saint et le héros des causes révolutionnaires soit conduit en triomphe au sein de la société la plus conservatrice qu’il y ait au monde, par le peuple le moins révolutionnaire qui ait jamais existé. Ce contraste ne sera pas l’aspect le moins bizarre du spectacle que l’Angleterre s’apprête à nous donner. L’entière et imperturbable sécurité dont l’Angleterre jouit à l’endroit des révolutions est probablement une des causes de l’empressement candide avec lequel elle va saluer la plus grande figure des révolutions contemporaines. Un révolutionnaire de ce tempérament et de cette ampleur est en effet ce qui ressemble le moins aux Anglais, c’est la curiosité politique la plus extraordinaire qu’il puisse leur être donné de contempler. Garibaldi sera un peu pour eux ce que le prince de Galles fut, il y a quelques années, pour les masses républicaines des États-Unis. On est quelquefois choqué sur le continent de l’hospitalité que des révolutionnaires européens reçoivent dans la société anglaise ; on y voit à tort la preuve de sympathies que l’on regarde