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même reçu la sanction la plus positive de notre époque, la consécration financière. Le nouvel empereur avait trouvé un banquier, et, qui mieux est, un banquier anglais. Une des plus anciennes et des plus honorables firms de la Cité, la maison Glyn, se chargeait de prêter au nouvel empire mexicain environ 120 millions de francs effectifs contre livraison de 12 millions de rentes mexicaines. On créait un 6 pour 100 mexicain que l’on se proposait d’émettre à 63. Pour assurer le crédit du nouveau fonds d’état, on retenait ici à notre caisse des dépôts et consignations une somme suffisante pour payer les deux premières annuités de l’emprunt et subvenir aussi au paiement pendant deux années des arrérages des anciens fonds mexicains, arrérages qui depuis dix ans ne sont plus soldés. Une portion de l’emprunt était réservée pour la France et devait être mise en souscription publique par un de nos établissemens les plus populaires, le comptoir d’escompte. Tout allait donc à merveille. Nous allions en finir avec les soucis et les charges de notre aventure mexicaine. Nous pouvions entrevoir le terme de nos sacrifices, nous pouvions espérer de revoir enfin nos soldats. Nous donnions du même coup au Mexique un empereur, une armée sous forme de légion étrangère et un trésor. Nous avions même le délicat plaisir de présenter ainsi de nos propres mains, avec la couronne de plumes des Incas, une magnifique indemnité au prince jeune, éclairé, réputé libéral, que nous avions dû déposséder de la vice-royauté lombarde en faisant en 1859 la guerre d’Italie. Candide aurait dit que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, lorsqu’un incident nouveau est venu, pour un court moment nous l’espérons, embrouiller la péripétie de ce beau roman mexicain.

Pourquoi cet incident est-il survenu si tard ? pourquoi n’avait-il pas été prévu et tourné depuis longtemps ? Voilà la critique que nous nous permettrons d’adresser à l’indolente anarchie qui préside à la direction de l’Europe. La famille impériale et la cour d’Autriche ont voulu, avant que l’archiduc Maximilien n’allât tenter sa nouvelle fortune, fixer la situation de ce prince en face des chances dynastiques que lui donnait sa position si voisine du trône d’Autriche. L’archiduc, en devenant empereur du Mexique, conserverait-il ou abandonnerait-il ses droits éventuels à la couronne d’Autriche ? Telle était la question. Que l’archiduc Maximilen eût préféré partir en laissant la question indécise, cela se comprend. On ne comprend pas moins que le gouvernement autrichien et la famille impériale aient demandé à l’archiduc une renonciation expresse à ses droits de succession en Autriche. Si les fils de François-Joseph venaient à mourir, si l’archiduc Maximilien était appelé au trône, ce ne serait pas un mince embarras pour le gouvernement autrichien d’attendre qu’un empereur lui arrivât du Mexique. La profession d’empereur mexicain n’est probablement point le meilleur apprentissage que l’on puisse souhaiter à Vienne pour un empereur d’Autriche ; puis il y a l’inconvénient d’un interrègne, lequel pourrait être