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dont César laissait volontiers une partie dans les mains par lesquelles il les faisait passer. Dans la vie de Cicéron, il y a beaucoup de faiblesses, mais pas une trace de vénalité. Il n’était question alors que d’agrandir le Forum romain, Cicéron ne dit rien autre chose : « pour agrandir le Forum et l’étendre jusqu’à l’atrium de la Liberté, nous n’avons pas regardé à soixante millions de sesterces » (douze millions). César, proconsul de la république, ne pouvait encore mettre un forum qui portât son nom à côté de celui du peuple romain. Cela n’était possible qu’après Pharsale : aussi ne fut-il dédié qu’alors. Cependant, dès l’époque où nous sommes. César commençait à acheter le terrain destiné à son forum à venir. Si quelque chose aide à croire que dès lors César visait au pouvoir suprême, c’est bien cela. Le proconsul pouvait aussi remplacer les septa, où se tenaient les assemblées du Champ-de-Mars, par un édifice en marbre avec un toit et un portique de cinq mille pieds. C’est ce que César voulait entreprendre, et il avait confié encore à Cicéron l’exécution de ce projet, qui fut réalisé par Lépide. Les septa furent dédiés par Auguste ; les comices eurent un palais de marbre avec un toit et un portique, mais bientôt on ne les rassembla plus. Afin de rassurer sur son retour et d’endormir les craintes du sénat, comme s’il n’eût dû songer désormais qu’à jouir de son repos et de sa gloire, César faisait aussi construire près de Nemi une villa qu’il fit détruire quand elle fut achevée, parce qu’elle ne se trouva pas telle qu’il l’aurait voulue, ou plutôt parce que l’effet qu’il l’avait destinée à produire était produit. Il reste de cette fantaisie toute politique, sous les eaux du lac, une construction en bois qu’on a appelée le vaisseau de Tibère ou de Trajan. Selon les habitudes que prit le luxe romain sous les empereurs, et que César lui faisait prendre déjà, il avait voulu bâtir sa villa dans le lac même, ainsi que l’on bâtit plus tard tant de villas dans la mer.

Cicéron était alors proconsul en Cilicie. Son correspondant Cœlius lui faisait parvenir les on dit de Rome : « on dit tout bas que César a été battu en Gaule, qu’il est entouré ; le bruit s’est répandu que toi-même avais péri. » Les auteurs de cette nouvelle étaient les subrostrani (les oisifs qui se tenaient sous la tribune). Cœlius, pour les séances du sénat, renvoyait Cicéron à la gazette de Rome, dont il lui adressait plusieurs numéros, l’engageant à passer les inutilités qui s’y trouvaient, les listes des décès et le compte-rendu des pièces tombées. Au milieu des gorges de la Cilicie, Cicéron d’ailleurs était agréablement occupé auprès du public et auprès d’Atticus du succès de son livre sur l’état ou la société politique (c’est le vrai sens du de Republica). Ici le lieu de la scène est dans les jardins, nous dirions la villa de Scipion Émilien, probablement près de la porte