Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/712

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Émilien ; puis, prenant les faisceaux consulaires sur le lit funéraire de Clodius, où on les avait placés, ils allèrent les porter à Hypsæus, à Scipion, à Pompée, qu’ils furent trouver dans ses jardins, ses nouveaux jardins, près de son théâtre, hors de la porte Carmentale. Avant que Milon fût durant la nuit rentré à Rome, on avait voulu brûler sa maison ; mais des sénateurs et des chevaliers l’avaient défendue. Milon était brave ; il osa paraître au Forum quand la curie fumait encore, pour se justifier de toute préméditation dans le meurtre de Clodius. Il accusa intrépidement les incendiaires qui l’accusaient. Deux tribuns, deux amis de Clodius, ne lui laissèrent pas achever son discours ; ils se ruèrent dans le Forum à la tête d’une bande, en chassèrent Milon et son ami le tribun Cœlius. Ayant pris des vêtemens d’esclaves, tous deux parvinrent à s’échapper. Sous prétexte de les poursuivre, on entra dans les maisons particulières, on les pilla ; on se jetait sur tous ceux qui étaient bien vêtus et portaient des anneaux d’or. Pendant plusieurs jours, Rome fut livrée au fer et au feu.

Pompée s’était retiré dans sa villa d’Alsium. Quand il revint à Rome, le sénat se rassembla dans le Champ-de-Mars, près de son théâtre, sans doute dans la curie qui portait son nom. C’est là que César devait être frappé. Le sénat décida qu’on donnerait la sépulture à Clodius, que la Curia Hostilia, qu’avait réparée Sylla, serait relevée par son fils Faustus, et que du nom de celui-ci elle s’appellerait cornélienne, de peur sans doute qu’elle ne s’appelât pompéienne. Effrayé du désordre populaire, le sénat semblait vouloir se réfugier derrière le nom de celui qui avait tenu le peuple sous ses pieds ; mais Faustus n’acheva point la nouvelle curie, et elle ne s’appela point Cornelia. Ce retour posthume vers le nom et le souvenir de Sylla ne laissa pas plus de trace que sa sanguinaire et impuissante réaction n’en avait laissé. Pompée, qui, singulière politique pour un illustre général, jouait la peur, affecta une grande crainte de Milon. Il refusa de le voir dans ses jardins, qui bientôt ressemblèrent à un camp. Là, il délibérait avec ses amis sur ce qu’il devait faire pour sa défense et pour celle de l’état, espérant toujours qu’on lui offrirait la dictature ; mais on ne la lui offrait point. Il fit répandre le bruit que Milon avait formé le dessein de l’assassiner. Un pauvre diable de victimaire ou de cabaretier du quartier étrusque affirmait que des esclaves de Milon qui s’étaient enivrés chez lui avaient avoué ce dessein, l’avaient maltraité et menacé de la mort, s’il parlait. Milon fut obligé de montrer en plein sénat qu’il ne portait point un poignard caché sous sa tunique. Pompée vint lui-même à la tribune entretenir le peuple de ses propres dangers. Ses créatures proposèrent timidement sa dictature