Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/711

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naire. Clodius était à cheval, suivi de trois amis et d’une trentaine d’esclaves. Les deux adversaires s’étaient dépassés sans se rien dire. Une querelle s’engagea entre ceux qui formaient leur suite. Selon Cicéron, un grand nombre des gens de Clodius attaquèrent Milon d’un lieu qui dominait la route. Son cocher fut tué ; Milon sauta à terre pour se défendre ; les gens de Clodius coururent vers la voiture pour attaquer Milon, et commencèrent à frapper ses esclaves à coups d’épée. Ce fut alors que le gladiateur Birria, attaquant Clodius par derrière, lui perça l’épaule. Les serviteurs de Clodius, beaucoup moins nombreux, s’enfuirent et emportèrent leur maître dans une hôtellerie ; l’hôtellerie fut assiégée par les hommes de Milon, l’hôtelier fut tué. Clodius, arraché de cet asile, fut ramené sur la route et là criblé de blessures. Milon ne fit rien pour empêcher le meurtre. On dit plus tard qu’après l’attentat il était allé dans la villa de son ennemi, qui était tout proche, pour chercher son enfant et l’égorger, que, ne le trouvant pas, il avait torturé ses esclaves ; mais ces accusations n’ont aucune vraisemblance.

La suite de Clodius s’était dispersée. Un sénateur qui passait par là trouva son corps gisant sur la route, et le fit reporter dans sa maison du Palatin. La foule s’y précipita. Fulvie parut, poussant des cris et montrant au peuple les blessures de son époux. Le lendemain, la foule était encore plus grande. Un sénateur fut écrasé ; deux tribuns, dont l’un, Plancus, était attaché à Pompée, firent porter le corps dans le Forum. On l’exposa, couvert de sang et de boue, devant les rostres. Les tribuns y montèrent et haranguèrent la multitude, qui, conduite par le frère de Clodius, prit le cadavre et l’alla brûler dans la curie pour braver le sénat. On forma le bûcher d’un amas de tables, de bancs et de papiers. Le cadavre ne fut qu’à demi consumé par ce bûcher improvisé, mais le feu prit à la curie. Selon Dion Cassius, il avait été allumé dans ce dessein. La curie, monument vénérable fondé par le roi Tullus Hostilius, dont il portait encore le nom, fut brûlée ; avec elle brûlèrent la basilique Porcia et d’autres bâtimens voisins de la Curia Hostilia. Pendant ce temps, les tribuns continuaient à exciter le peuple et n’abandonnèrent les rostres que lorsqu’ils en furent chassés par les flammes ; puis les partisans de Clodius dressèrent dans le Forum des tables pour le festin funèbre, à la lueur de l’incendie.

On nomma un interrex ; ce fut Lépide. Comme il tardait à désigner des consuls, les satellites de Clodius, réunis à ceux des rivaux de Milon pour le consulat, Hypsæus et Scipion, assiégèrent la maison de Lépide, brisèrent les portes, entrèrent dans l’atrium, jetèrent à bas les images des ancêtres de la gens Æmllia, parmi lesquelles devaient se trouver celles de Paul-Émile et de Scipion