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qui contenait quarante mille spectateurs, et était disposé de telle manière qu’il pouvait servir d’arène, se prêter aux combats de gladiateurs, aux exhibitions et aux chasses d’animaux étrangers, comme aux représentations moins goûtées de l’art dramatique ; mais César donnait d’autres spectacles et montrait de loin au public de Rome un autre drame : la conquête de la Gaule, intermède héroïque dans la grande tragi-comédie où il jouait le principal rôle, et dont le dénoûment devait être sa mort et celle de la liberté.

Le théâtre de Pompée fut un souvenir de ses campagnes d’Asie et de ses anciens succès, qu’il aimait à se rappeler pour se consoler de n’en plus obtenir d’autres. Tandis qu’il était à Mitylène, après avoir vaincu Mithridate, il y avait institué, parmi les poètes du lieu, un concours littéraire dont le thème unique était les hauts faits de Pompée. Cette circonstance lui avait rendu chère cette ville, qui était aussi la patrie de l’affranchi Théophane, un Grec auquel il était fort attaché, et qui avait auprès de lui beaucoup de crédit. Aussi ce fut le théâtre de Mitylène qu’il voulut imiter à Rome, mais en l’agrandissant et l’accommodant aux goûts des Romains. Malgré l’importance et la grande situation de Pompée, bâtir un théâtre avec des gradins était une innovation hardie. Déjà la tentative avait été faite et avait échoué devant la sévérité des magistrats, qui craignaient que, si le peuple pouvait s’asseoir au théâtre, il n’en voulût plus sortir. Pompée éluda la difficulté par un artifice bien ingénieux pour lui, et dont l’idée appartenait peut-être à son affranchi Théophane. Au-dessus des gradins, il plaça un temple dédié à Vénus victorieuse : il fallait qu’il y eût du victorieux dans tout ce qui concernait Pompée. Les gradins se trouvèrent ainsi transformés en degrés du temple, la scène n’en fut plus qu’un accessoire, et les jeux, qui à Rome étaient toujours liés à la religion, purent être considérés comme faisant partie du culte de la déesse.

À en croire Varron, cité par Aulu-Gelle, Pompée, au moment de faire inscrire sur son théâtre : « pour la troisième fois consul, » aurait hésité entre tertio et tertium, « timidement, » dit Varron, comme pour indiquer que l’adversaire de César n’osait rien décider, pas même cela. Cicéron, consulté, pour ne mécontenter aucune opinion, aurait proposé d’écrire seulement tert. Cette anecdote de grammairien est suspecte, mais elle peint bien le caractère de Pompée, indécis dans les petites choses comme dans les grandes, et montre Cicéron tel qu’il était alors, très désireux de vivre bien avec tout le monde et de ne déplaire à personne.

Selon le précepte de Vitruve, le portique du théâtre était derrière la scène, et des rangées d’arbres l’embellissaient : il est cité comme un des lieux de promenade où se rassemblaient de préfé-