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vêtement, rapporté dans sa maison, fit croire à Julie que son époux était dangereusement blessé ; elle était grosse, la terreur détermina un accident qui, dit-on, amena sa mort après une seconde grossesse. Il paraît que la fille de César, unie à Pompée dans un dessein politique, aimait sincèrement son mari ; les sentimens naturels rencontrés au milieu des haines de parti font du bien.

Caton est un intrépide soldat de la liberté, d’une liberté sans doute orageuse et menacée, mais qui, malgré ses abus et ses dangers, valait mieux que la servitude, car, pour qui porte un cœur d’homme, tout vaut mieux que la servitude. Caton combat vaillamment et sans relâche dans la curie, dans le Champ-de-Mars, dans le Forum. Trebonius, un tribun gagné par Pompée, vint proposer de lui accorder par une loi, pour son commandement en Espagne, où il n’était pas allé, l’illégale prolongation accordée à César pour son commandement dans la Gaule, qu’il avait en partie soumise. Pompée, par vanité, voulait obtenir ce qu’avait obtenu César, sans voir que l’égalité du titre ne lui donnerait pas l’égalité de la gloire. Caton résolut de s’opposer à cette insolente prétention, que rien ne justifiait. Il alla au Forum, et demanda deux heures pour parler contre la loi proposée et faire connaître tous les maux qu’elle entraînait. C’était beaucoup attendre de la patience de ses adversaires ; il fut bientôt interrompu, mais refusa de quitter les rostres. Un licteur vint l’en arracher. Il continua à parler du pied de la tribune. Le licteur le saisit et l’entraîna hors du Forum ; mais il y rentra, remonta même à la tribune et invita tous les bons citoyens à le soutenir. Cette fois Trebonius ordonna, comme dans une autre occasion avait fait César, de conduire Caton en prison. Caton, en y marchant, continuait à haranguer le peuple, qui le suivait. Il fallut le relâcher.

Le lendemain, la violence consulaire triompha. Aquilius Gallus, un autre tribun, décidé à s’opposer à Trebonius, s’était caché dans la curie, qui touchait au Forum, pour être là au moment où le peuple serait rassemblé ; on l’y enferma. Caton, voyant que la loi allait passer, cria qu’il entendait tonner. J’ai peine à croire qu’il ait eu recours au stratagème patricien qu’avait employé Pompée ; peut-être tonnait-il en effet, ou prit-il pour le tonnerre quelque bruit du Forum. Un citoyen le souleva dans ses bras, et il répéta son affirmation. Alors le carnage commença. Le tribun Aquilius, qui était parvenu à s’échapper de la curie, fut blessé, le sang d’un sénateur coula sous les coups de Crassus, et la loi passa ; mais ceux que révoltaient ces indignités se précipitèrent du côté des rostres, où était la statue de Pompée. Ils voulaient la mettre en pièces ; Caton les en empêcha.

Cependant César avait trouvé dans la Gaule un théâtre digne de