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une effronterie sans pareille, vint déclarer à la tribune qu’ils avaient jugé en sa faveur et que Cicéron songeait à s’installer par la force, qu’il fallait aller lui résister, défendre la Liberté et son temple. On ne le suivit pas. Le lendemain, il parla trois heures dans la curie contre le décret du sénat ; mais l’impatience des sénateurs fut si grande, l’on fit tant de bruit, que le démagogue fut obligé de se taire et de laisser voter le décret. Le portique de Catulus devait être relevé aux frais de l’état. On n’en fit pas autant pour la demeure de Cicéron ; Cicéron n’était pas un aussi grand seigneur que Catulus, il semble même qu’une aristocratie ingrate ait trouvé mauvais qu’il se permît d’habiter là où habitait un Catulus. On lui conseillait de ne pas la reconstruire, de vendre le terrain. Une indemnité lui fût accordée (environ 400,000 francs) pour cette maison du Palatin : elle lui avait coûté près du double ; il reçut 100,000 francs pour sa villa de Tusculum et 50,000 francs pour sa villa de Formies. Cicéron déclare que les deux dernières sommes étaient très insuffisantes.

Clodius, lui qui ne respectait rien, voulut soulever contre Cicéron la superstition populaire. Des signes funestes avaient paru, et des aruspices, ces devins de bas étage, murmuraient que les dieux étaient irrités parce qu’on avait rendu à un usage profane un lieu consacré. Clodius s’en faisait une arme contre Cicéron. Cicéron, qui était augure et connaissait la science augurale, sur laquelle il a écrit un livre, réfuta ces accusations ridicules par un discours sur les réponses des aruspices qui fut prononcé dans le sénat. Clodius ne se tint pas pour battu. À la tête d’un ramas de bandits armés d’épées et de bâtons, il attaqua Cicéron tandis qu’il descendait la voie Sacrée et le contraignit à se réfugier dans le vestibule d’une maison de cette rue dont les amis du consulaire défendirent l’entrée. Quand Cicéron voulut rebâtir sa demeure, Clodius arriva avec son monde, chassa les maçons, renversa le portique de Catulus, déjà relevé jusqu’au toit, et fit même jeter des torches dans la maison du frère de Cicéron, qui fut en grande partie brûlée. Quintus avait conservé le domicile paternel dans les Carines ; mais il l’avait loué et était venu habiter à côté de son frère sur le Palatin. L’amitié des deux frères les portait à se rapprocher ; ils demeuraient l’un près de l’autre à Rome et à Tusculum. Cette amitié ne fut que passagèrement troublée, et ils se retrouvèrent pour mourir.

La villa de Tusculum tient une grande place dans la vie de Cicéron. Ce nom, consacré par lui dans les Tusculanes, nous représente son existence philosophique et littéraire, bien que nous sachions que plusieurs de ses ouvrages ont été composés dans d’autres villas. Toutes sont liées à la vie de l’écrivain et à l’existence du politique ; elles virent les travaux du premier, elles recueillirent les absences